Honey money by Tito Topin

Honey money by Tito Topin

Auteur:Tito Topin [Topin, Tito]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard / Série noire
Publié: 1984-03-31T22:00:00+00:00


*

Émile Gonzalès engagea sa voiture sur la petite route qui menait au domaine des Pallières.

Les cigales craquetaient dans l’écorce rugueuse des grands pins. Infernal. La propriété était nichée entre deux crêtes, face au mur déchiré des Dentelles.

Il s’arrêta dans la cour. De nombreuses bagnoles de touristes témoignaient de la réputation du cru. La cave était d’une fraîcheur reposante.

Un groupe d’Américains achetait du vin. Un dallassien qui affichait avec ostentation les marques originales de sa profonde culture – Stetson façon JR, ray-bans, jean deux fois trop grand pour transpirer à l’aise, chemisette à pressions et ceinture à boucle d’argent – s’inquiétait du fait qu’un vin dans des cuves de chêne pouvait être porteur de maladies. Ils ne connaissent donc pas le plastique ? demandait-il dans sa langue à ses congénères. D’autres dallassiens de même QI.

Un couple de blondinets fous de leurs corps étalaient nombrils et jambes nues, un verre ballon à la main. Le vin avait la même couleur que les raisins du vignoble.

— Je vous le fais goûter, monsieur ? proposa un solide paysan avec l’accent de Raimu.

Gonzalès accepta avec reconnaissance, soulagé de se retrouver en France.

— Je ne savais pas que les Américains descendaient jusqu’ici.

— Que voulez-vous, dit le Provençal. Quand le dollar monte, les Américains descendent. Pensez donc, avec la monnaie qui z’ont, ce vin-là leur coûte moins cher que le coca chez eux. Ce qui est terrible, c’est qu’ils sentent pas la différence.

Gonzalès acheta deux caisses de Gigondas que Raimu lui porta complaisamment jusqu’à la voiture.

À Roaix, il traversa lentement le pont de l’Ouvèze. Il se dit que putain d’Adèle, l’été avait dû être particulièrement sec dans la région. Il crut pourtant deviner dans le ciel la promesse d’un orage. Un saule s’agitait dans le vent comme un plumet sur le shako d’un saint-cyrien.

Il dépassa le village et prit la petite route de Villedieu. D’immenses roseaux, empanachés de vert, s’entrechoquaient furieusement dans le vent.

Deux hommes dégageaient une voiture à la main.

— Je peux vous aider ? demanda Gonzalès en se tendant vers la vitre ouverte.

— Je ne crois pas. À moins que vous ayez un jerrycan de flotte sous la main, répondit le plus petit des deux hommes.

Gonzalès nota qu’il marchait curieusement, comme s’il cherchait à dissimuler une boiterie.

— Vous pourriez nous amener ? demanda l’autre, le plus jeune. Nous allons sur Villedieu.

— C’est là que je vais.

Un chien aboya par la vitre ouverte.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.