Rupture, Tarot et Confiture by Céline Holynski

Auteur:Céline Holynski [Holynski, Céline]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Larousse
Publié: 2020-01-20T05:05:26+00:00

14

Je suis remontée comme une pendule. Il est à peine 7 heures du matin et j’en suis à mon huitième café. Il faut dire que je n’avais aucune envie de m’endormir sur la banquette du troquet dans lequel j’ai passé une partie de la nuit.

En quittant la retraite d’Aigle Blanc, j’étais galvanisée. Pour la première fois de ma vie, j’avais réussi à dépasser la bienséance et oser m’opposer avec force et conviction à une personne qui le méritait. Mon fantasme de dire merde ouvertement venait d’être assouvi et j’étais pleinement comblée. Quelques participants m’ont remerciée de leur avoir ouvert les yeux et économisé de futures dépenses inutiles. Jacqueline a proposé de me déposer à la gare avant de reprendre la route. Après m’avoir donné son numéro, j’ai regardé ma petite retraitée s’éloigner et je suis entrée dans la gare. Le menton haut, la poitrine bombée, je m’attendais presque à ce qu’on m’arrête pour me féliciter d’avoir fait éclater la vérité sur cet escroc. Personne ne m’a rien dit. Sauf un agent de la gare : « Désolé, la gare ferme ! Le dernier train pour Paris est parti il y a trois heures, le prochain est à 5 h 39 ». Soit sept heures plus tard !

Suite à cette nouvelle accablante, je me suis réfugiée dans un bar de nuit. J’y suis restée jusqu’à sa fermeture, me persuadant que patienter les deux heures restantes dans les rues de la ville était une idée acceptable. Eh bien, croyez-moi, voir le jour se lever quand ce n’est pas sur une plage après une nuit d’amour, c’est tout sauf une bonne idée. Et maintenant que je suis de retour sur Paris, excitée comme une puce en overdose de vitamine C, je ne trouve aucune raison valable pour ne pas pourrir le réveil d’une certaine personne.

Je viens d’arriver chez Katiana et je tambourine à sa porte. Au bout de quelques minutes, la voyante m’ouvre, habillée d’un peignoir, les cheveux encore en bataille. Malgré son air surpris, je ne lui laisse pas le temps de comprendre et j’entre.

— Vous m’avez envoyée chez les fous !

— Je vous demande pardon ?

— Votre stage, là… C’est une escroquerie. Vous savez que je peux vous dénoncer ?!

— Vous y allez fort… Je peux comprendre que vous n’ayez pas aimé mais de là à parler d’escroquerie…

— Comment vous pouvez cautionner les pratiques de ce type ?

— Quel type ?

— Aigle Blanc !

— Jacky ?

— Aigle Blanc s’appelle Jacky ?! Oh ! au moins j’aurai appris son prénom ! C’est sûr qu’on est davantage sur du franchouillard que de l’amérindien…

— Mais qu’est-ce qu’il faisait au stage de Luciole ?

— De qui ?

— Luciole, l’organisatrice de la retraite.

— Mais c’est quoi cette manie de prendre des noms d’animaux ?!

— C’est son vrai prénom.

— Ah… Bon. En tout cas il n’y avait aucune Luciole. Juste « Jacky » et ses délires.

— Comment c’est possible… Il faut que je tire ça au clair. Camille, s’il vous plaît, vous voulez bien nous faire un peu de café ? La cuisine est juste là, me dit-elle en quittant la pièce.

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