Pour l'amour de Dieu by Anne Soupa

Auteur:Anne Soupa [Soupa, Anne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Religion, Essays, Biography & Autobiography, General
ISBN: 9782226459374
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2021-01-05T23:00:00+00:00

Jean-Paul II accentue la captation cléricale : les laïcs sont « l’ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l’ordre sacré et de l’état religieux reconnu par l’Église68 ». Être « ceux qui ne sont pas » n’est guère invitant… Comment des personnes qui s’investissent parfois de façon considérable dans un service d’Église peuvent-elles ne pas en être blessées ? Plus profondément, comment « ceux qui ne sont pas » peuvent-ils se penser autrement que par soustraction ? Comment leur identité même peut-elle ne pas dépendre de « ceux qui sont » ? Cette définition par la négative non seulement souligne que l’institution fonctionne à l’envers de la proposition évangélique, qui accueille sans discrimination ceux qui veulent construire la maison commune, mais elle pointe l’origine de la maltraitance dont les laïcs sont l’objet. Une maltraitance sourde, mais instituée dans les textes de référence, donc efficace. Certains trouveront que le mot est fort, car dans les paroisses et les diocèses les relations peuvent être chaleureuses et fraternelles. Mais des cas isolés ne font pas une vérité collective. Et se draper dans l’idéal évangélique sans donner une identité claire et des responsabilités réelles aux laïcs ne réussit qu’à masquer la réalité. Il faut oser regarder la situation de façon objective et non affective. Les laïcs sont en état de sujétion et donc de maltraitance.

Le laïc ne peut pas se penser quand on ne lui propose rien, sinon d’être aimanté par cette figure de référence qui lui sert de miroir. Le laïc ne peut être que le décalque du clerc. Et, plus grave encore, comment peut-il ne pas s’enfuir en courant quand ce modèle unique et imposé est boudé par la majorité de ses frères et sœurs catholiques, passés du côté des néo-catholiques ? Cette fuite accentue le clivage dénoncé plus haut, entre le 1,8 % resté et les 53,8 % partis. Comme il faut s’y attendre, le mimétisme clérical est de plus en plus fort chez le 1,8 % resté. C’est donc à raison que les clercs accusent les laïcs de contribuer au cléricalisme. Mais l’honnêteté pousse à dire que les laïcs cléricaux ne sont que le reflet du modèle qui leur a été imposé. D’identité propre, il ne leur en a pas été donné. Comment ne pas craindre qu’ils ne portent sur leur identité même la mort annoncée des clercs ? La centralité du prêtre, après avoir favorisé la cohésion du corps ecclésial, est aujourd’hui un facteur qui lui nuit.

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