Le Grand Roman de Flemmar by Fabien Ménar

Auteur:Fabien Ménar [Ménar, Fabien]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782764419441
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2012-12-11T00:00:00+00:00

CHAPITRE 8

Flemmer convoqua sa famile à une réunion d’urgence. Oui, sur-le-champ.

Il tombait assez mal, car il se heurtait à la matinée du samedi qui relevait de la juridiction exclusive du cyclope cathodique : la Terre pouvait bien d’un coup brusque pivoter en sens contraire et bondir vers une nouvelle orbite que les trois paires d’yeux ne s’écarteraient pas d’un poil de l’emprise des dessins animés.

Alors, on pense bien que les trépignements de Flemmar…

— Mais qui commande, ici, nom de Dieu ?

— Calme-toi, Flimou.

Josette se livrait, pour sa part, à l’entretien de ses plantes qui tendaient leurs feuilles vers ses caresses comme si elle était la lumière personnifiée. La famille de Flemmar vivait dans une flore unique, luxuriante et variée, qui avait connu, il y avait quelque temps déjà, les honneurs de la couverture d’une revue spécialisée : reportage et photos avaient répandu leur maison, toute vêtue de vert et toute en fleurs, dans l’ensemble des salles d’attente du pays. Élue botaniste de l’année, Josette avait connu son petit frémissement de gloire, et Flemmar la douleur secrète de n’être que le mari anonyme d’une botaniste réputée.

Passèrent deux pleines heures de vacarme télévisuel, pendant lesquelles Flemmar arpenta le corridor. Dès le dernier générique, il fit irruption dans le salon, le bras autoritaire.

— Allez, hop, direction cuisine !

Ivre d’impatience, il ferma la marche de la troupe familiale, la pressant d’accélérer le pas.

— Plus vite que ça !

Bruits de chaises, couverts par la chamaillerie entre Joachim et Louise qui bataillaient ferme pour se saisir d’un koala en peluche que Flemmar leur arracha des mains et qu’il envoya contre le mur, ce qui entraîna la détonation de la petite Sarah Bernhardt : « Maaamaaannn ! » laquelle maman glissait un Agrippa gazouillant de bonheur dans son siège.

— Cessez-moi ce cirque !

L’injonction du père s’étouffa au milieu des requêtes.

— J’veux du jus, papa ! commença Joachim.

— Moi aussi, j’veux du juuuuuus ! enchaîna Louise.

— … Aussi, moi ! de compléter Agrippa qui, décidément, accomplissait des miracles, côté prononciation.

— Pas maintenant !

— Allons, Flimou…

De cette voix sucrée qui replaçait à tout coup Flemmar sur les rails de la souplesse paternelle.

— Bon, bon, va pour le jus, mais après, on se tait, hein !

Verre en main et branches de céleri en supplément, tous consentirent leur attention à un papa qui, jointures contre la table et sourcils menaçants (posture directoriale dont il espérait tirer le meilleur effet), laissa enfin tomber la question qui valait à la petite famille cette nouvelle comédie.

— Où sont-ils ?

— Quoi donc, mon chou ?

— Mais les crayons, ma chérie, les crayons. Ne sais-tu pas qu’il n’y a plus un seul crayon dans cette maison, pas un qui ne dorme au fond d’un tiroir ? Même la chambre des enfants…

— Tu as fouillé dans notre chambre ! s’indigna Joachim en déposant son jus.

— Allons, Joachim, papa a bien le droit d’entrer…

— T’as PAS l’droit de fouiller, c’est NOT’chambre !

C’était nouveau, ça : certes, il était un garçon ordonné, rangeant sa collection de jouets et de

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