Le Sud by Berger

Le Sud by Berger

Auteur:Berger
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset


– Comment tu les vois. Sales ?

–Non.

–Ils l'étaient.

–Non.

–Ils l'étaient.

– Non. Peut-être. Quelle différence ? Je n'ai jamais pensé propreté et saleté chez eux mais tu m'étonnes, j'ai lu cent mille livres sur les Indiens, pas un seul ne les décrivait sales.

– C'est peut-être que tu ne lis que ce que tu cherches. Moi j'en ai feuilleté un, de ces livres une fois, et je suis tombée sur deux passages, à six pages d'écart, on rapportait que, faute d'eau, mais faute aussi de bien autre chose, ils ne se lavaient pas.

– Faute de quoi ?

–Eh bien! de ce qui fait que tu n'aurais pu vivre avec eux, les manières, la conduite, la culture, la civilisation, oui, tout ce que tu aimes...

Elle a repris : tout ce que tu aimes et ses mains ont fondu sur les miennes, qu'elles ont happées, enfermées, pressées et quand elle a relâché l'étreinte, les doigts de Virginie traînaient sur ma peau, lents, songeurs, je me suis dit : il y a des songes au bout des ongles de Virginie. J'ai fermé les yeux. Je les ai rouverts et par le chemin de ses bras étendus, où battaient les veines, je suis remonté à son visage, m'arrêtant à la gorge qui battait aussi et Virginie, comme moi, avait fermé les yeux, je voyais ses cils battre. Puis elle est revenue à son attitude du début, les coudes droits sur la table, sur la paume des mains elle avait posé son visage qu'elle a tendu vers moi et approché si près du mien que l'espace de la chambre, à cet instant, fut supprimé et j'ai tenté de me raccrocher à ce que je savais derrière ma sœur, les murs qui se continuaient, les rayonnages qui se continuaient, et mes livres, une chaise, une armoire, la porte surtout, la porte, mais ces choses malgré mes efforts pour les penser, les aimer, ne tenaient pas en face des yeux de Virginie où allait et venait, entre deux battements de paupières, mon visage chaviré et je l'ai entendue, ma sœur, chuchotante elle sifflait :

– Comment appelles-tu leurs tentes, leurs femmes ?

– Des wigwams, des squaws, dans mon livre justement ce sont deux des trois seuls mots...

– Et les Indiens de Virginie ?

– Quatre tribus : les Pamunkey, les Mattapony, les Powhatan et les Chickahominy.

–Jolis mots, mots drôles pour te moquer de ces hommes misérables et, tout bien pesé, assez bêtes, qui n'ont laissé après eux que quelques bois, quelques masques, quelques paniers, un peu de cuir, Indiens sans défense naturelle et artificielle, ton père le disait...

–Non.

– Ton père disait qu'ils tombèrent comme des mouches à l'arrivée des Européens, de leurs maladies, de leur alcool, comme des mouches ils moururent tes Indiens et père disait aussi que la moyenne de leur âge ne dépassait pas trente ans...

– Non, Virginie, non.

– Et s'ils en avaient eu les moyens, la technique, ils auraient été sans égards, sans regards pour la beauté de leur pays, les bisons, les arbres, les ours, les aigles... Ton père



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