La Femme pauvre by Léon Bloy

La Femme pauvre by Léon Bloy

Auteur:Léon Bloy [Bloy, Léon]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Ebooks libres etgratuits
Publié: 2010-03-11T05:00:00+00:00


XXIX

Sans violence. Ce n’était pas exactement la spécialité de l’enlumineur. Enfin, on ferait ce qu’on pourrait.

Léopold n’avait rien d’un orateur. Il ne fallait pas espérer de lui l’ampleur sereine, la puissante nappe de Marchenoir, non plus que le facile bavardage du bon Gacougnol. Il parlait sec, décochant des phrases de jet, brèves et dures, qui coupaient comme du silex, en homme accoutumé à faire marcher des animaux et des esclaves.

– Vous ne me paraissez pas avoir les qualités d’un explorateur, commença-t-il brusquement, s’adressant à Folantin.

– D’un explorateur ? Ah ! non, par exemple. L’Afrique centrale, n’est-ce pas ? un ciel d’indigo, un soleil ignoble qui vous mange la cervelle, cinquante ou soixante degrés à l’ombre et le bain de siège dans la culotte, perpétuellement ; les moustiques, les serpents, les crocodiles et les nègres, merci ! Je préférerais le Groenland ou le Cap Nord, si on pouvait y aller sans changer de place. Là, du moins, on est sûr de ne pas être embêté par le soleil ni par aucune végétation emphatique.

On sait, d’ailleurs, ce que je pense du Midi, en général. Je hais plus que tout les choses excessives et les individus exubérants. Or, tous les méridionaux gueulent, ont un accent qui m’horripile et, par-dessus le marché, ils font des gestes. Non, entre ces gens qui ont de l’astrakan bouclé sur le crâne et des palissades d’ébène le long des joues, et de flegmatiques et silencieux Allemands, mon choix n’est pas douteux. Je me sentirai toujours plus d’affinité pour un homme de Leipsick que pour un homme de Marseille. Je ne parle, bien entendu, que des méridionaux de la France, puisque je ne connais pas ceux de la zone torride, mais je les suppose volontiers de plus en plus odieux à mesure qu’on s’approche de l’astre exécrable.

– Comme ce voyou parle du soleil ! souffla derechef à Bohémond l’impétueux Druide, qui adore provisoirement ce luminaire et dont la patience ne tenait plus qu’à un léger fil.

– Regardez donc ses mains ! dit en manière de réponse le poète, absent déjà. Des mains d’infante ! cela ! Allons donc ! Des mains de bossu, mon cher !

– Tiens ! mais, intervint alors Gacougnol, si j’en juge par vos sympathies allemandes, vous dûtes, en 1870, vous tenir à une certaine distance des champs de bataille ?

– Aussi loin que possible, n’en doutez pas. Je ne me cache pas d’avoir eu la foire tout le temps et on ne vit que moi dans les hôpitaux. Sac au dos ! Je me charge de documenter un bon disciple de Zola qui ne dédaignerait pas d’écrire, sous ce titre excitant, mon épopée, et je vous jure que la conclusion ne serait pas pour rallumer l’enthousiasme des combats. Au surplus, si chacun avait été dans les mêmes dispositions, la guerre aurait été finie tout de suite, et j’imagine qu’elle aurait coûté moins cher.

– Beaucoup moins cher, en effet, approuva Apémantus. Hé ! hé ! c’est un point de vue. On aurait acheté des pots de chambre et des astringents au lieu de se ruiner en canons.



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