LA BELLE MAGUELONNE by Adolphe Biedermann

Auteur:Adolphe Biedermann [Biedermann, Adolphe]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman
Éditeur: Les Bourlapapey Bibliothèque numérique romande
Publié: 2013-04-13T13:21:31+00:00

COMMENT LE PATRON DES MORES PRESENTE LE NOBLE PIERRE AU SOULDAN.

Quant le patron le vit si beau et jeune et tant richement habillé eut grant plaisir et alla penser qu’il en feroit present au souldan. Et ainsi nagerent tant par leurs journées qu’ils vinrent arriver en Alexandrie et si tost qu’ils furent arrivés le patron le manda au souldan.

Et quant le souldan le vit il luy fit grant joie et en mercia fort le patron. Et Pierre portoit tousjours au cou la chaine que luy avoit mis Maguelonne, car il sembloit au souldan que ce jeune chevalier devoit estre de noblesse descendu et luy fit demander par un truchement s’il savoit servir en salle. Et il dit que ouy et le souldan luy fit monstrer la maniere. Et pour ce le fit mieux au plaisir du souldan que les autres jeunes chevaliers qui le servoient, et nostre seigneur luy donna cueur et volenté d’aimer ce chevalier. Et tant l’aimoit le souldan, comme s’il fust son propre fils. Et Pierre n’y eut pas demouré un an que par son noble entendement et subtil engin il seut parler le more et le grec et estoit tant doux et tant plaisant a tous que chacun l’aimoit autant comme s’il fust leur fils ou leur frere. En toute force ne habileté il n’avoit son pair en la court du souldan, pourquoy le souldan l’aimoit encores plus fort, tant que tout ce qui se faisoit en la court du souldan, se faisoit par les mains de Pierre. Et tous ceux qui avoient besoin de sa grâce venoient a Pierre et il prioit le souldan, et tout ce qu’il demandoit luy estoit octroyé.

En cestuy honneur estoit Pierre en la court du souldan, mais jamais ne se pouvoit resjouir, mais continuellement dolent estoit et pensif de son amie Maguelonne, pensant a quelle fin elle pouvoit estre venue et qu’il eust mieux valu qu’il fust noyé en la mer, car au moins fussent finées ses douleurs.

Ainsi passoit sa triste vie le noble Pierre entre les mores. Nonobstant que tousjours son cueur fust a dieu et a la sainte foy catholique, dont souvent prioit dieu en plourant que puisqu’il l’avoit fait eschapper du péril de la mer qu’il luy laissast prendre le saint sacrement duement avant qu’il mourust. Et plusieurs aumosnes faisoit Pierre aux povres chrestiens prisonniers pour l’amour de Maguelonne, affin que dieu luy aidast, fust morte ou vive.

Or laissons a parler de Pierre, car bien y retournerons, et tournons a parler de la belle Maguelonne laquelle estoit demourée toute seule au bois, dormant.

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