Ce qui n'a pas de prix by Le Brun Annie

Ce qui n'a pas de prix by Le Brun Annie

Auteur:Le Brun Annie
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2018-02-22T16:00:00+00:00


Que ce qui a fait la célébrité de ces marques en soit devenu la caricature, surchargée jusqu’au ridicule de chaînes, fermoirs ou pierreries n’est jamais envisagé. Et cela, même s’il n’est aucun de ces produits qui ne se présente finalement comme un condensé de conformisme, d’arrogance et d’exhibitionnisme. Tel est le résultat de leur « enrichissement », au sens où Luc Boltanski16 et Arnaud Esquerre y voient la caractéristique majeure de l’actuelle marchandisation du passé, jouant des prestiges de la tradition et du luxe. D’après eux, en effet, pour que des objets, aujourd’hui fabriqués en série, continuent d’être considérés comme produits de luxe, il est indispensable de les associer à un récit qui atteste de leur origine exceptionnelle. Ce récit pouvant renvoyer à leur créateur tel Coco Chanel, Yves Saint Laurent, Christian Dior, à un lieu comme c’est le cas de Bottega Veneta, Acqua di Parma…, voire à des anecdotes en relation avec des clients célèbres, tels autrefois certains acteurs d’Hollywood se fournissant chez le maroquinier Louis Vuitton.

Et l’on ne peut qu’être frappé par la nécessité de ces « opérateurs verbaux » apparemment aussi essentiels que ceux qui accompagnent les productions de l’art contemporain. Mais alors que la valeur marchande de celles-ci augmente avec le flou de leur caractère indécidable, en ce qui concerne les objets de luxe produits en série, c’est au contraire une anecdote particulière qui les valorise et dont la précision le plus souvent fictive autorise tous les accommodements avec leur modèle original. Reste que, dans les deux cas, le recours au discours sert à vendre un produit pour ce qu’il n’est pas, à travers un même processus qui en hypothèque aussi bien le sens que la forme. Enfin, que cette stratégie soit appliquée avec le même cynisme tant à l’art contemporain qu’aux industries du luxe dit l’efficacité de la méthode et l’importance de l’enjeu.

Pourtant, quand bien même, à propos de ce luxe industriel, Luc Boltanski et Arnaud Esquerre insistent sur le fait que peu importe la véracité du récit, ils ne voient pas qu’en plus de maquiller une tromperie sur la marchandise, la nécessité de ce récit ouvre toutes grandes les portes à la laideur. En effet, dissocié de la rigueur d’un savoir-faire qui le rendait unique, l’objet se trouve soudain à la merci de toutes les modifications possibles. Je veux dire à la merci de n’importe quel « enrichissement », comme on parle de crème enrichie, assurant de lui faire perdre la justesse de sa forme en même temps que le sens qu’il prenait à matérialiser cette harmonie.

On ne compte plus les exemples qui nous en sont donnés à travers l’exploitation redondante des motifs qui ont fait le succès de ces produits, tel l’écossais de Burberry, quand ce n’est pas le sigle de la marque qui devient, lui-même, motif, comme c’est le cas chez Dior, Chanel ou Vuitton. D’où la nouvelle laideur engendrée par cette prétendue beauté censée surpasser toutes les autres, justement parce qu’elle est la beauté de l’argent toujours susceptible d’être « enrichie ».



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