Brink Andre - Une saison blanche et seche by André Brink

Brink Andre - Une saison blanche et seche by André Brink

Auteur:André Brink [Brink, André]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2013-11-18T05:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

1

C’ÉTAIT une ville différente dans l’obscurité. Le soleil était couché lorsqu’ils atteignirent l’auberge de L’oncle Charlie. Au moment où ils quittèrent la route principale à la hauteur des grosses cheminées de l’usine à gaz, la lueur rouge s’obscurcissait déjà, derrière l’écran de fumée et de poussière, barbouillée comme de la peinture. Une prémonition d’hiver, dans l’air. Réseau de chemins étroits et érodés, à travers le veld. Puis passage des rails de chemin de fer, tournant en épingle à cheveux avant de se retrouver parmi les rangées innombrables de maisons basses et trapues. C’était enfin là, autour d’eux, aussi impressionnant que la dernière fois, mais d’une manière différente. L’obscurité semblait apaiser la violence de la confrontation, cachait les détails qui avaient assailli et offensé le regard, niait le sordide. Tout était toujours là, étonnant par sa seule présence étrange, menaçant même. La nuit était cependant rassurante. Pas d’yeux pour épier. La lueur qui filtrait par les petites fenêtres carrées des innombrables maisons - mortelle pâleur du gaz, lueur jaune plus chaude des bougies ou des lampes à pétrole - avait toute l’intimité nostalgique d’un train filant dans la nuit. L’endroit était encore très vivant; vie réduite à des bruits. Pas le genre de bruit que l’on entend avec ses oreilles, mais quelque chose de souterrain et de sombre, qui fait directement appel aux os et au sang. Les centaines de milliers de vies individuelles dont on avait eu conscience la première fois - enfants jouant au football, coiffeurs, femmes aux coins des rues, jeunes aux poings serrés - s’étaient fondues en un seul organisme omniprésent, qui vous dévorait, comme une « énorme bouchée ».

« Qu’est-ce que tu regardes ? demanda Stanley.

- J’essaie de me souvenir du chemin.

- Laisse tomber, tu es un étranger. » Sa phrase n’était pas méchante, plutôt chaleureuse. « Peu importe, je suis là de toute façon pour te guider, non ?

- Je sais. Mais suppose que je doive revenir ici, tout seul ? »

Stanley éclata de rire, fit une embardée pour éviter un chien errant. « N’essaie surtout pas.

- Je ne veux pas être un boulet autour de ton cou, Stanley.

- Au diable le boulet, s’il te plaît. Nous sommes tous les deux concernés. »

Ça le toucha plus que tout ce que Stanley avait déjà pu lui dire. Melanie avait donc raison : il avait été - d’une manière indéfinissable - « accepté ».

Il avait téléphoné la veille à Stanley après cette journée de réflexion. Il était allé dans une cabine téléphonique pour que Susan ne soit pas au courant de son appel. Ils étaient convenus de se retrouver entre quatre heures et quatre heures et demie, mais Stanley avait du retard. En fait, il était presque cinq heures et demie quand la grosse Dodge blanche était arrivée au garage. Aucun mot d’excuse. Stanley avait semblé surpris par l’agacement de Ben.

Stanley ne portait pas ses verres fumés, aujourd’hui. Ils dépassaient de la poche de sa veste marron. Chemise à rayures, cravate à fleurs, boutons de manchette fantaisie.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.