Avec Freud au quotidien by Grimbert

Auteur:Grimbert
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2012-01-15T00:00:00+00:00

Les oiseaux, d’Alfred Hitchcock, inspiré d’une nouvelle de Daphné Du Maurier, est souvent cité comme un des films les plus impressionnants de son auteur, à l’égal de Psychose. Encensé par les cinéphiles tant pour la réussite de ses effets spéciaux que pour la montée inexorable de l’angoisse qu’il suscite, c’est un film qui fait aujourd’hui figure de classique.

Le succès de ces Oiseaux n’est cependant pas sans poser question : l’intrigue en est assez mince et l’histoire sentimentale sans grande originalité qui y est développée pourrait même sembler bien pâle face aux scènes de terreur que le public attend. Il y a pourtant, semble-t-il, tapi au sein même de cette œuvre, un défi lancé à l’exégète comme à l’analyste, défi qui s’exprime essentiellement en un terme lancinant, une exclamation répétée au fil de l’intrigue par divers personnages : « Inexplicable ! » En effet, ce qui constitue l’essentiel de cette fiction, les attaques sauvages d’animaux, habituellement considérés comme inoffensifs, contre des humains, demeure tout au long du film, et jusqu’à son dénouement, apparemment sans explication possible. Quelle peut bien être la raison de la folie meurtrière qui s’empare de ces volatiles, quels fondements trouver à la haine contre les humains qui semble les animer ? Autant de questions qui doivent, si l’on en croit Alfred Hitchcock, rester sans réponse pour les personnages du film comme pour ses spectateurs : le réalisateur lui-même dira que l’un des critères du choix qu’il a fait de cette nouvelle de Daphné Du Maurier fut le caractère incompréhensible des événements qui s’y déroulent.

Nous nous trouvons ainsi, avec Les oiseaux, face à plusieurs interrogations : existe-t-il un lien entre la classique histoire d’amour qui se développe à Bodega Bay et les épisodes de terreur qui émaillent le récit ? Ce lien donne-t-il la clef du film ? Le sens profond de cette fiction est-il déjà présent dans la nouvelle de Daphné Du Maurier ou bien est-il à attribuer à l’adaptation qu’en a faite Alfred Hitchcock ? Dans l’affirmative, ce dernier a-t-il sciemment infléchi le cours du récit afin de proposer au spectateur une énigme dont il détenait la solution ? Comme on peut le voir, nombreuses sont les pistes de réflexion et nous allons tenter de les explorer.

Résoudre cette énigme en dévoilant le sens et la logique interne du film aurait sans doute pour effet d’en expliquer du même coup l’impact et le succès. Cette explication vaudrait pour de nombreuses œuvres tant il est vrai que le public s’attache à des productions artistiques qui se trouvent répondre à une logique inconsciente rigoureuse. La voie a été ouverte par Freud avec ses Essais de psychanalyse appliquée et Délire et rêve dans la « Gradiva » de Jensen, puis suivie par de nombreux psychanalystes, dont Didier Anzieu avec Le corps de l’œuvre. Serge Tisseron, avec Tintin chez le psychanalyste, nous a montré comment une étude approfondie de l’œuvre d’Hergé, se centrant uniquement sur les albums du célèbre dessinateur – et donc sur le discours qu’il produit –, pouvait en

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