Aphorismes sur la sagesse dans la vie by Arthur Schopenhauer

Aphorismes sur la sagesse dans la vie by Arthur Schopenhauer

Auteur:Arthur Schopenhauer [Schopenhauer, Arthur]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: PUF
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Ce qui augmente particulièrement la difficulté de se pénétrer de vues aussi sages, c’est cette hypocrisie du monde dont j’ai parlé plus haut, et rien ne serait utile comme de la dévoiler de bonne heure à la jeunesse. Les magnificences sont pour la plupart de pures apparences, comme des décors de théâtre, et l’essence de la chose manque. Ainsi des vaisseaux pavoisés et fleuris, des coups de canon, des illuminations, des timbales et des trompettes, des cris d’allégresse, etc., tout cela est l’enseigne, l’indication, l’hiéroglyphe de la joie ; mais le plus souvent la joie n’y est pas : elle seule s’est excusée de venir à la fête. Là où réellement elle se présente, là elle arrive d’ordinaire sans se faire inviter ni annoncer, elle vient d’elle-même et sans façons, s’introduisant en silence, souvent pour les motifs les plus insignifiants et les plus futiles, dans les occasions les plus journalières, parfois même dans des circonstances qui ne sont rien moins que brillantes ou glorieuses. Comme l’or en Australie, elle se trouve éparpillée, çà et là, selon le caprice du hasard, sans règle ni loi, le plus souvent en poudre fine, très rarement en grosses masses. Mais aussi, dans toutes ces manifestations dont nous avons parlé, le seul but est de faire accroire aux autres que la joie est de la fête ; l’intention, c’est de produire l’illusion dans la tête d’autrui.

Comme de la joie, ainsi de la tristesse. De quelle allure mélancolique s’avance ce long et lent convoi ! La file des voitures est interminable. Mais regardez un peu à l’intérieur : elles sont toutes vides, et le défunt n’est, en réalité, conduit au cimetière que par tous les cochers de la ville. Parlante image de l’amitié et de la considération en ce monde ! Voilà ce que j’appelle la fausseté, l’inanité et l’hypocrisie de la conduite humaine. Nous en avons encore un exemple dans les réceptions solennelles avec les nombreux invités en habits de fête ; ceux-ci sont l’enseigne de la noble et haute société : mais, à sa place, c’est la peine, la contrainte et l’ennui qui sont venus : car où il y a beaucoup de convives il y a beaucoup de racaille, eussent-ils tous des crachats sur la poitrine. En effet, la véritable bonne société est partout et nécessairement très restreinte. En général, ces fêtes et ces réjouissances, avec tout leur éclat et leur vacarme, portent toujours en elles quelque chose qui sonne creux ou, pour mieux dire, qui sonne faux, précisément parce qu’elles contrastent avec la misère et l’indigence de notre existence, et que toute opposition fait mieux ressortir la vérité. Mais, vu du dehors, tout cela fait de l’effet ; et c’est là le but. Chamfort dit d’une manière charmante : « La société, les cercles, les salons, ce qu’on appelle le monde est une pièce misérable, un mauvais opéra, sans intérêt, qui se soutient un peu par les machines, les costumes et les décorations. » Les académies et les chaires de philosophie sont



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