Tant que je serai noire by Maya Angelou

Tant que je serai noire by Maya Angelou

Auteur:Maya Angelou
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Américaine
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 1981-01-29T23:00:00+00:00


Le lendemain matin, mes efforts en matière de décoration se heurtèrent à une réprobation glaciale. Le vieux canapé était indigne d’un homme de la condition de mon mari. Pas question non plus de conserver les meubles d’occasion de la chambre.

– Je suis africain, moi. Même l’homme qui dort dans la brousse se fait chaque soir une nouvelle couche d’herbes fraîches. Je ne dormirai pas dans un lit utilisé par un autre homme.

Je m’abstins de lui demander ce qu’il faisait dans les hôtels. Je l’imaginais mal convoquer le directeur et lui déclarer tout de go : « J’exige un matelas flambant neuf. Je suis africain. »

Je dis :

– Pourquoi acheter des meubles neufs si nous partons en Égypte ?

– Les objets que nous nous procurerons seront d’une qualité telle qu’ils auront une valeur de revente élevée. D’ailleurs, nous sommes là pour un petit moment encore.

Je le suivis docilement dans un magasin de meubles où il choisit un lit cher, une table basse en tek et un monumental canapé en cuir brun.

Il paya comptant en tirant des billets d’une liasse volumineuse. La source de l’argent de Vus demeurait pour moi un mystère. Il esquivait mes questions à ce sujet avec l’agilité d’un impala. Je n’avais d’autre choix que de tout accepter en bloc. Nous étions à sa charge, mon fils et moi, et il s’occupait bien de nous. Père attentif, il effectuait seul des visites à l’école de Guy ; il l’aidait avec ses devoirs jusque tard le soir. Ils riaient souvent ensemble tous les deux, et l’affection entre eux était palpable. Lorsque des Africains nous rendaient visite, Vus tenait absolument à ce que Guy assistât à des débats sur la violence et la non-violence, le rôle de la religion en Afrique, la place et la force des femmes dans la lutte. J’essayais de suivre ces conversations passionnantes, mais, en général, j’étais trop accaparée par mes tâches domestiques.

J’avais l’impression de laver, de frotter, de balayer, d’épousseter et d’encaustiquer à fond tous les deux jours. Vus était exigeant. Il lui arrivait de tirer le canapé pour voir si je n’aurais pas oublié une couche de poussière. Si ses soupçons se confirmaient, je me fanais comme une fleur à le voir baisser les yeux et, sous le poids de la déception, secouer la tête d’un air affligé. Je lavais constamment les murs parce que les taches lui gâchaient sa journée et je repassais avec soin ses chemises amidonnées (il faisait cirer ses chaussures par un professionnel).

Les repas étaient toujours des créations culinaires : poulet à la Kiev, feijoada, œufs bénédictine ou dinde Tetrazzini. Une femme digne de ce nom repasse les draps et assortit le papier hygiénique à la couleur des carreaux de la salle de bains.

J’étais sans emploi, mais jamais je n’avais travaillé aussi fort. Les lundis soir de la Guilde des écrivains de Harlem me mettaient à rude épreuve. J’avais les paupières lourdes, et même les meilleurs textes n’arrivaient pas à retenir mon attention.

– Vous savez ce que c’est quand on est jeune mariée, disais-je en guise d’explication.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.