Histoire de la France by Jean-Christian Petitfils

Histoire de la France by Jean-Christian Petitfils

Auteur:Jean-Christian Petitfils [Petitfils, Jean-Christian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2018-02-21T01:00:00+00:00


DE LA RÉPUBLIQUE À L’EMPIRE

Cependant, la vigueur inattendue de la réaction au coup d’État incita le prince-président à préparer, en tacticien sûr, la proclamation de l’Empire, dernière étape de la transformation institutionnelle. Il testa d’abord sa popularité lors de plusieurs voyages en province : à Strasbourg, Roanne, Lyon, Marseille… Partout, on l’acclama. À Bourges, il entendit avec délice les foules scander : « Vive l’empereur ! » Mais c’est à Bordeaux, le 9 octobre, qu’il jeta le masque : « Par esprit de défiance, certaines personnes se disent : l’Empire, c’est la guerre ! Moi, je dis : l’Empire, c’est la paix ! » Il s’agissait, bien sûr, de rassurer les souverains étrangers, car à l’universalisme des principes de 89 restaient encore étroitement associées les ambitions territoriales de la Grande Nation.

Le 7 novembre 1852, enfin, le Sénat proposa « le rétablissement de la dignité impériale en la personne de Louis Napoléon Bonaparte avec hérédité dans sa descendance directe et adoptive ». La loi fut ratifiée par le peuple sous forme de plébiscite les 21 et 22 novembre. Un résultat sans appel : 7 824 000 voix « pour », 250 000 « contre », avec néanmoins 2 126 000 abstentions. C’en était fini de l’éphémère présidence décennale. La légitimité du prince était une nouvelle fois ressourcée à la fontaine de jouvence du suffrage universel. Le 2 décembre 1852, l’Empire fut proclamé, et Louis Napoléon prit le nom de Napoléon III. La question du sacre ne se posa pas : n’ayant pas l’outrecuidance de l’oncle à convoquer le pape à Notre-Dame, le neveu n’allait pas s’humilier à faire le voyage de Rome. On n’était plus au temps de Charlemagne !

Élégant dandy de quarante-quatre ans, affable et chevaleresque, le nouvel empereur ne manquait ni de prestance ni de charme, du moins selon les canons de l’époque. Il suffit de voir ses portraits ou ses photos : visage marmoréen un peu mat, barbiche évasée et longue moustache de chat aux pointes bien cirées. L’exercice de l’autorité suprême avait accentué les traits de son caractère, celui d’un rêveur à l’esprit bouillonnant. « La tête de Napoléon, s’amusait lord Palmerston, est une garenne où les idées se renouvellent comme les lapins ! » En même temps, ce visionnaire loin d’être un génie restait un pragmatique attaché aux mesures concrètes. Admirons ce sphinx au regard infiltré de brouillard, parlant peu – une conversation « rare et stérile », notait Tocqueville –, aimant par-dessus tout créer la surprise. Il méditait, hésitait, puis annonçait avec éclat une décision inattendue. Sans être grand orateur – sa voix était un peu sourde et nasillarde –, il possédait le sens de la formule, comme cette justification hardie du 2-Décembre : « Je ne suis sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. » Souple, avenant, désireux de plaire, il savait enrober, convaincre, cachant sous les oscillations permanentes d’un équilibriste indécis la plus farouche obstination.

Face au peuple, il construisait sa légende, faisant diffuser à des centaines de milliers d’exemplaires des



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