Secrets by Esther Rochon

Auteur:Esther Rochon [Rochon, Esther]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Alire

Tranag

Le récit de Rel fut interrompu par des rires, venant surtout de la section des damnés. L’idée que ce poilu de Vriis veuille présenter à sa vieille maman un être aussi curieux que Rel, comme si c’était sa fiancée, leur apparaissait comique au plus haut point. Le rire gagna la salle entière, à l’exception de personnages qui, tel Taxiel, étaient des gardes en fonction, ou, tel Taïm Sutherland, demeuraient sous le charme évocateur du récit. Lame, parmi les anciens damnés, nota quelques aspects de ce fou rire général.

D’abord, les rires qu’elle entendait à côté d’elle avaient quelque chose de bref et de douloureux. Ceux qui y cédaient étaient damnés, ou encore en réhabilitation ; dans un cas comme dans l’autre, leur corps était en mauvais état. Rire leur faisait mal. Ils hoquetaient un peu, s’interrompaient, s’abandonnaient de nouveau à l’hilarité, se retenaient. Les plus habiles réussissaient à demeurer silencieux. Dans ce cas, leurs épaules étaient secouées et des larmes coulaient sur leurs joues crispées par un sourire. Joie et douleur s’entremêlaient. Mais ils avaient tellement l’habitude de la douleur qu’ils n’y faisaient plus tellement attention. Leur propre plaisir les enivrait et leur donnait une allure juvénile. Ce n’étaient plus des gens qui connaissaient l’enfer, mais des écoliers en train de rire du prof. Ils avaient peur de se faire punir ; par contre, leur joie de vivre était la plus forte.

En particulier, les deux fondamentalistes voisins de Lame se tenaient les côtes dans leur chaise roulante. Bon, si le diable les faisait rigoler, c’était toujours ça.

Lame riait aussi. Cela tenait sans doute à la façon dont Rel s’y était pris pour parler de ses amours avec Vriis. Elle s’était attendue à un récit mystérieux, émouvant. Le séjour de Rel à Vrénalik – même les juges du destin s’en étaient montrés curieux ! Si ça tournait à la farce, était-ce volontaire ? Elle fixa la tapisserie noire derrière Rel. On n’y décelait plus aucun mouvement. Décontenancés par l’explosion d’hilarité, les juges avaient dû rentrer dans leurs foyers. Un peu embarrassée, Lame finit par regarder Rel. Confortablement assis, il observait la salle. Son visage sérieux et détendu demeurait neutre. Une ou deux fois, il essaya de reprendre son récit, déclenchant aussitôt un nouveau fou rire. Agacé, Taïm Sutherland jeta quelques regards bien appuyés sur des rieurs particulièrement sonores, avec l’effet inverse de celui qu’il désirait. Rel se mit à rire à son tour.

Quelques minutes plus tard, tout était calme.

— À cause de Vriis, annonça Rel, je suis devenu citoyen honoraire de cette île. Qu’en dis-tu, Taïm ?

Sutherland se leva, l’air moins furibond. D’un ton très sérieux, articulant parfaitement, il déclara :

— Il est probable que la porte verte a uni le pays des Sargades à ce qui, à mon époque, s’appelait l’archipel de Vrénalik. Sans doute s’ouvrait-elle sur Strind ou sur Vrénalik, les deux plus grosses îles. À l’ouest, c’était Drahal – des récifs, de mon temps, mais une véritable île quelques siècles plus tôt. Vriis habitait donc sans doute à Drahal.

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