L'Organisation biologique et la théorie de l'information by Henri Atlan

Auteur:Henri Atlan
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2016-06-14T16:00:00+00:00

FONCTIONS DE DÉCISION

A la simple transmission d’information entre une entrée et une sortie doit s’ajouter un traitement de l’information entre les deux. C’est ainsi qu’entre l’étage récepteur et l’étage effecteur du système nerveux central, existe un étage dit d’associations où on admet que sont intégrés tous les messages reçus, de telle sorte que des réponses spécifiques soient ensuite provoquées. C’est cette intégration de messages multiples en une réponse globale — qui pourra se traduire par un acte quelconque témoignant de la reconnaissance d’une forme (un pattern) au milieu de tous ces messages — que l’on désigne souvent du terme de décision, sans qu’on en connaisse évidemment le mécanisme. Pourtant, on veut dire par là qu’un centre nerveux ne peut pas être considéré seulement comme un réseau de communications, et qu’il doit s’y ajouter des unités de décision. Le rôle de celles-ci apparaît à beaucoup comme radicalement différent de celui de voies de communications, en ce qu’il consiste non pas à transmettre de l’information en la conservant, mais à la transformer de façon telle que s’opère une destruction d’information. En effet les nombreux messages afférents, éléments d’ensemble de messages très divers, une fois intégrés, acquièrent une forme nouvelle où les détails ont disparu, pour laisser la place à un nouveau message, qui fait partie d’un nouvel ensemble plus restreint que la réunion des précédents. Tout se passe comme si on passait d’un niveau où les états discernables qui constituent les symboles élémentaires sont extrêmement nombreux, à un niveau plus élevé dans un ordre hiérarchique où les symboles sont beaucoup moins nombreux, car constitués par des états moins élémentaires englobant les précédents.

Une fonction de décision apparaît ainsi comme formellement analogue au passage de l’analyse d’un organisme comme configuration d’atomes, à celle du même organisme comme configuration de molécules, ou d’organelles, ou de cellules, etc… Nous avons vu comment ces passages se traduisent chaque fois par une diminution de la quantité d’information stockée ou transmise. C’est en cela qu’une fonction de décision, qui apparaît toujours comme le résultat d’une intégration de messages élémentaires en une réponse globale, peut être considérée comme destructrice d’information. La théorie de Cowan-Winograd nous a montré comment le calcul constitue un cas particulier de fonction de décision : si un automate est réduit à une voie de communication, la fonction de transmission d’information est symétrique, et l’équivocation n’est déterminée que par les effets du bruit ; on a vu comment l’adjonction d’un automate de calcul entre les entrées et les sorties rompt cette symétrie et se traduit, indépendamment du bruit, par une augmentation de l’équivocation, donc par une diminution de l’information transmise. De façon générale, une unité élémentaire de décision sera représentée par une unité où convergent un grand nombre d’entrées et d’où émerge une seule sortie, déterminée par une certaine fonction de toutes les entrées (fig. 39).

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