L'Etat by Goyard-Fabre

L'Etat by Goyard-Fabre

Auteur:Goyard-Fabre
La langue: fra
Format: epub
Tags: L'État, figure moderne de la politique
Éditeur: Armand Colin
Publié: 2013-03-14T16:00:00+00:00


1.1.2. Les trois « générations » des droits de l’homme

La « première génération » des droits de l’homme exprimait, sous le couvert de la loi civile, la liberté inviolable de l’« homme » et du « citoyen » (si le texte de 1789 n’avait pas, lors de son édiction, de valeur constitutionnelle, il en ira autrement des dispositions portant garantie des droits incorporées à la Constitution de 1791).

Mais une « seconde génération » de droits vit le jour au XIXe siècle, dont la connotation fut sociale et économique. Ainsi, la Constitution de 1848, insistant sur le caractère démocratique de la République française, lui assigna « pour base » le travail et l’ordre public qu’elle plaça au même rang que la propriété et la famille. Dans son évidente inspiration socialiste, la même Constitution faisait mention — bien qu’elle fût restée attachée à l’idée (libérale) de la liberté du travail et de l’industrie — d’« institutions de prévoyance ou de crédit » aussi bien que de mesures d’« assistance » destinées aux « enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources ». Lui faisant écho un siècle plus tard, le projet de Constitution rédigé après octobre 1945 par la première Assemblée constituante de l’après-guerre devait mentionner explicitement la nécessaire protection des « droits économiques et sociaux ». Il était alors clair que l’extension du concept des droits de l’homme en modifiait la compréhension en traduisant un état d’esprit hostile, dans l’État, à « la souveraineté de l’individu ». Quant au législateur, il devait admettre qu’il appartenait aux institutions étatiques non pas seulement de protéger les libertés dites « fondamentales » — libertés réputées « formelles » par les penseurs marxisants qui dénonçaient leur caractère mystificateur — mais de permettre, pour que les libertés deviennent « réelles », la décence du niveau de vie des travailleurs et qu’à cet effet, il leur incombait de réguler les conditions économiques de leur existence. Dans cette perspective, où se reflète l’influence de la nébuleuse socialiste du XIXe siècle, le libéralisme de l’État de droit faisait si pâle figure qu’il était devenu, pour le courant de pensée qui, se déclarant progressiste, l’accusait d’être obsolète, un ennemi facile à vilipender. Tout se passe donc comme si la seconde génération des droits avait mis en évidence ce que, dans l’État, la limitation libérale de l’autorité politique avait d’insuffisant, voire d’utopique. En conséquence, se substitua à la philosophie constitutionnelle et juridique de l’État de droit la philosophie sociale et économique d’un État des droits — ce que les adversaires du libéralisme interprétaient comme l’un des aspects les plus marquants du « dépérissement de l’État politique ». Les théories sociologiques nord-américaines proposées par R. Dahl et B. Powell sous le nom de « développementalisme » eurent beau jeu, à l’entour des années 1960, de mettre en lumière, dans ces conditions, la continuité des droits civils, politiques et sociaux.

Par-delà les antagonismes idéologiques, une « troisième génération » de droits devait surgir, portée par un élan inflationniste qui donna à l’État le visage de l’État-Providence.



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