Les Tyrannicides d'Athènes by Vincent Azoulay

Les Tyrannicides d'Athènes by Vincent Azoulay

Auteur:Vincent Azoulay [Vincent Azoulay]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2014-04-14T22:00:00+00:00


Loin d’être embaumées par l’admiration, les statues de Kritios et Nésiotès continuaient donc à provoquer des réactions contrastées et à soulever, sinon les passions, du moins une certaine inquiétude chez les auteurs de l’époque impériale. Cette tradition critique apparaît en pleine lumière chez Lucien qui se plaît à ridiculiser, avec sa virtuosité coutumière, les deux libérateurs et leurs effigies.

CRITIQUE : LES ALLUSIONS IRONIQUES DE LUCIEN

D’origine syrienne, Lucien a tout de l’outsider surdoué. D’une érudition étourdissante, il jette un regard décalé sur la culture hellène et, bien souvent, se moque sans vergogne des traditions les plus sacrées des cités grecques89. Aussi ne faut-il pas s’étonner de le voir s’attaquer à la vénération entourant les meurtriers des tyrans90, dans un opuscule entièrement consacré au sujet. Dans Le Tyrannicide, Lucien imagine ainsi un procès au cours duquel un citoyen réclame les honneurs réservés aux tyrannicides. Voici son histoire : bien décidé à tuer le tyran régnant sur la cité, l’homme se rend à la citadelle pour accomplir son forfait. Faute de trouver sa cible, il assassine le fils du despote, lui laissant son épée plantée dans le corps. De retour chez lui, le tyran découvre le macabre spectacle et, de désespoir, se tue avec l’épée souillée par le sang de son fils. Considérant avoir causé la mort du tyran par ricochet, le meurtrier demande à être traité avec les égards qui lui sont dus.

Le récit s’inspire, en le détournant, d’un exercice rhétorique bien connu : si un philosophe convainc un tyran de renoncer au pouvoir, doit-il se voir accorder les honneurs dus aux tyrannicides91 ? Au-delà de ce clin d’œil à la rhétorique de son temps, Lucien se livre aussi, me semble-t-il, à une adaptation toute personnelle de l’histoire d’Harmodios et d’Aristogiton, telle que Thucydide la rapporte. Comme le tyrannicide de Lucien, les deux amants avaient en effet manqué leur cible : se croyant percés à jour, Harmodios et Aristogiton avaient renoncé à tuer Hippias, le véritable tyran d’Athènes, pour frapper son frère Hipparque qui passait par là92 ; malgré cet échec, ils avaient reçu les plus grands honneurs de la part des Athéniens. D’une certaine façon, le tyrannicide bouffon de Lucien demandait à être traité comme les deux « Libérateurs » qui, pas plus que lui, n’avaient abattu le moindre tyran.

Certes, l’analogie entre les deux récits est loin d’être parfaite et peut paraître quelque peu forcée. On sait toutefois, grâce à une autre œuvre de Lucien, que l’auteur tournait volontiers en dérision les figures d’Harmodios et d’Aristogiton. Dans Le Parasite, un certain Simon soutient que, loin d’être un fardeau, le parasite exerce un savoir-faire (technè), voire un véritable métier, utile à toute la société. À l’appui de cet éloge paradoxal, Simon se livre à une singulière relecture du passé, au terme de laquelle le sage Nestor est présenté en parasite d’Agamemnon et le beau Patrocle en parasite d’Achille. Vient ensuite le tour des tyrannicides (Le Parasite, 48) :



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