L'encre sympathique by Liliane Fauriac

L'encre sympathique by Liliane Fauriac

Auteur:Liliane Fauriac [Fauriac, Liliane]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Encre Rouge
Publié: 2018-03-03T00:00:00+00:00


10

L’adoption

Depuis deux semaines, elle fréquente l’école de Bellac. À cinq ans, elle a la corpulence d’une enfant de quatre ans, au plus. Guère plus grande que l’an dernier, elle a maintenant des cheveux courts. Sa gardienne a opté pour cette coupe, sur les conseils de ses voisines, craignant une infection aux poux comme à chaque rentrée scolaire. Ses petits sabots flambant neufs, sa blouse à carreaux bleus et blancs, un petit sac en tissu pour porter ses livres et ses cahiers, elle est fière et impatiente de s’asseoir derrière un pupitre pour apprendre à lire, écrire, compter. Contrairement à la plupart de ses futurs camarades, elle s’exprime en français, ce qui lui évitera les coups de règles et autres punitions destinées à ceux qui ne parlent que le patois. La fillette a séduit d’emblée l’institutrice par son assurance et la fascination qu’exercent ses yeux verts sur ceux qui l’abordent. Nullement impressionnée par les plus grands, elle affirme que la dame qui s’occupe d’elle remplace sa mère absente en ce moment. Elle n’est pas la seule dans ce cas. La différence, c’est que les autres enfants placés ne suscitent que mépris et railleries malveillantes. Pas elle ! Elle dégage une sorte d’aura qui la protège et l’élève au-dessus de la masse des élèves de cette classe.

À la sortie de l’école, elle traverse la cour en sautillant et attend sagement que les grandes filles, ses voisines, aient terminé leurs papotages. Deux d’entre elles sont chargées de la raccompagner jusqu’au domicile de sa famille d’accueil. Après quoi la journée de la fillette se poursuit par les jeux de rôles qu’elle invente. Souvent, en face d'élèves imaginaires elle refait les leçons de la journée, s’identifiant à la « dame d’école » à qui elle voue un véritable culte.

Ce soir, à la sortie de l’école, les grandes entraînent la petite vers la place. Un évènement exceptionnel se prépare : il faut aller en repérage, car c’est la première fois qu’il se produit en Limousin. Un cirque ambulant, le cirque Pinder a dressé son chapiteau rouge et jaune ! Sous les platanes, deux animaux extraordinaires dotés d’une énorme trompe barrissent en attrapant les feuilles : des éléphants ! Tandis qu’elle écarquille les yeux en observant d’assez loin les pachydermes, elle sent une pression sur son bras :

– Gabrielle ?

En se retournant, elle se trouve face à face avec une femme qui la dévisage.

– Tu t’appelles bien Gabrielle M. ?

– Non Madame. Je m’appelle Gaby, répond poliment l’enfant nullement intimidée.

– Tu connais Gabrielle M. ?

– Non…

Et la petite fait volte-face en sautant d’un pied sur l’autre pour rejoindre ses camarades qui la rappellent. Marta a l’impression que le sol se dérobe sous ses pas. Elle ne s’est pourtant pas trompée : il s’agit bien de la fillette qu’Édouard Brac avait identifiée comme étant sa fille. Cette fois, elle a pu scruter la joue gauche de la petite. Elle est bien obligée d’admettre qu’elle ne présente pas le grain de beauté, le même que celui de son père. Ce signe particulier avait permis à Marta de n’avoir aucun doute sur la paternité.



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