Le pays disparu by Nicolas Offenstadt

Le pays disparu by Nicolas Offenstadt

Auteur:Nicolas Offenstadt [Offenstadt, Nicolas]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2018-12-15T00:00:00+00:00


C’est une création en tension : les paysans réticents à la collectivisation ont fui le village, les nouveaux arrivants, réfugiés de l’Est, ont des compétences inégales en matière agricole et les manques sont criants. Le statut exceptionnel du lieu doit conduire à sortir de ces difficultés, mais les archives – étudiées et éditées par Günther Peters et Andrea Matischewski – montrent que cela ne se fait pas simplement, entre les pesanteurs administratives et les insuffisances humaines et techniques72. Malgré les grosses subventions qui soutiennent le développement du « village modèle », les résultats, au bout de dix ans, ne sont pas à la hauteur des prévisions : négligences, choix inadaptés et malfaçons marquent les débuts de la coopérative. Un peu comme à Eisenhüttenstadt, les raisons qui avaient justifié la politique des villages modèles s’effacent progressivement, les autres villages aspirent aussi au mieux-être, et Mestlin perd de son importance, l’argent pour l’entretien fait défaut. Le changement de politique architecturale en 1955, avec Khrouchtchev, dévalorisant les styles ornementaux nationaux pour encourager l’économie par la standardisation, transforme le modèle en contre-modèle.

Mestlin comme trace saute aux yeux, tant les bâtiments ne semblent pas faits pour le présent, nombre d’entre eux ont perdu leur fonction économique ou commerçante, certains ont disparu. Il y eut 1 700 habitants au temps de la RDA, à l’apogée quantitative du village (communauté), il y en avait moins de 800 en 2013. Le quart des habitations étaient vides en 2011. L’artiste photographe colognaise Bettina Flitner, intriguée elle aussi par la trace, s’est installée quelques semaines dans le village en quête de RDA (2013). Elle en tira une série de photos intitulée « C’est quoi pour toi la RDA ? ». Son œuvre interroge le contemporain comme le passé, à travers les portraits des habitants et la fouille de recoins pour y retrouver les objets d’antan, comme nous : un drapeau rouge ou un buste de Karl Marx. Elle a sonné chez eux pour savoir s’ils avaient gardé quelque chose de la RDA. Elle est allée visiter les greniers avec eux, les a interrogés, leur a fait sortir leurs archives73. L’artiste est attentive aux vieux restes. La plupart des habitants commencent par répondre non, puis se ravisent doucement, se souviennent qu’ils ont gardé quelque chose et étalent alors, parfois, lors d’une nouvelle visite, carte du parti ou chemise des FDJ. L’historien connaît bien cette réaction initiale des « sujets » qu’il rencontre : mélange, souvent, de méfiance et de modestie, « ce que j’ai ne peut pas intéresser ».

Eisenhüttenstadt et Mestlin restent ainsi marqués par la si forte organisation spatiale de leurs débuts ; de même la « Pompe noire », dont la construction suit de près. Schwarze Pumpe : c’est un nom qui résonne à mes oreilles et sans doute à d’autres comme un symbole de la RDA, de son volontarisme industriel et de la mise en propagande de ses réalisations. Schwarze Pumpe, comme une force dans le nom même, comme une époque dans ces deux mots, celle des villes socialistes, ici la « deuxième » après Eisenhüttenstadt.



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