Le curieux manoir de tante Aglaé by Ena Fitzbel

Auteur:Ena Fitzbel [Fitzbel, Ena]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: J’ai lu
Publié: 2022-02-25T06:11:03+00:00

18

Je dois bien avouer que la présence d’Alban est rassurante. Surtout après les dernières vingt-quatre heures que j’ai passées. Cependant, je ne peux pas accepter sa proposition de dormir ici. Je le lui ai dit et redit, mais il ne m’a pas écoutée. Quelle tête de mule ! Il a fait venir sa tante aux Ibis le temps d’aller récupérer ses affaires chez lui.

Je n’ose retourner me coucher, pourtant je tombe de sommeil. Je tiens donc compagnie à Sylvie Landrec dans la cuisine – à moins que ce ne soit plutôt le contraire. Je dois tout de même m’assoupir par instants, car quand la sonnette de l’entrée retentit une heure plus tard, je me redresse avec un torticolis.

Tandis que Sylvie court à la porte, j’émerge de ma torpeur. Il est déjà sept heures. Un petit déjeuner très appétissant s’est matérialisé sur la table, me confortant dans l’idée que la quincaillière est un sacré cordon-bleu.

Un embrouillamini d’aboiements, d’exclamations de joie et de conversations me parvient depuis le couloir. Puis mon chien, Corentin, son oncle et sa grand-mère font irruption dans la cuisine. Ruisselant d’eau, Alban porte un gros sac dans chaque main.

— As-tu besoin d’autant d’affaires ? m’étonné-je.

— Lit de camp, sac de couchage, nécessaire de toilette… Il faut ce qu’il faut, me répond-il tout en m’adressant un clin d’œil malicieux.

Il se débarrasse de son imperméable, s’installe en face de moi et entame l’omelette au fromage que sa tante lui a servie. Je m’apprête à dévorer une pile de crêpes à la confiture de framboise lorsque la silhouette fine et élancée d’Angadrem Le Roy me revient en mémoire. Oh, là, là, ce n’est pas le moment de prendre du poids ! Je me rabats sur un café sans sucre.

— As-tu faim, Corentin ? lui demande sa grand-mère.

Le garçon est resté dans l’embrasure de la porte et semble hésiter. Ses yeux oscillent entre la table bien garnie et mon chien.

— Qu’est-ce que tu en penses, Rimbaud ? On mange ou on va travailler ?

— Wouaf !

J’ignore ce que cet aboiement signifie, mais il produit son effet. Corentin nous rejoint et engouffre une crêpe au chocolat avec bon appétit. Alors que son oncle et lui font honneur à son repas, Sylvie s’éclipse.

— Temps typiquement breton ! lance Alban une fois le petit déjeuner terminé. On en aura pour la journée. Qu’as-tu envie de faire de notre dimanche, Corentin ? Souhaites-tu aller promener Rimbaud au bord de la plage ?

Je regarde par la porte-fenêtre. À sa place, je n’aurais pas le courage de braver un tel mauvais temps. De sombres nuages obscurcissent le ciel, et il pleut à verse sur mon jardin à la végétation rabougrie. M’est avis que le jardinage n’est pas à l’ordre du jour.

— Non, rétorque son neveu, qui, déjà, s’est levé. Rimbaud et moi devons résoudre une énigme.

— Une énigme ?

— Oui, Jade est au courant. Elle va t’expliquer.

Et voilà, la patate chaude est dans mon camp. Débrouille-toi avec ça, ma vieille !

Le sourcil haussé, Alban me jette un coup d’œil inquisiteur.

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