L'argent by Émile Zola

L'argent by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2006-01-14T23:00:00+00:00


«Que monsieur se confie entièrement à moi. J'ai intérêt, n'est-ce pas? à la réussite.»

Elle se glissa par la porte entrebâillée, disparut un instant, laissant Delcambre seul, dans son étroite chambre de bonne, au lit en désordre, à la cuvette d'eau savonneuse, et dont elle avait déjà déménagé sa malle, le matin, pour filer, dès que le coup serait fait. Puis, elle revint, referma doucement la porte sur elle.

«Il faut que monsieur attende un petit peu. Ce n'est pas encore ça. Ils causent.»

Delcambre restait digne, sans un mot, debout et immobile sous les regards vaguement blagueurs de cette fille qui le dévisageait. Cependant, il se lassait, un tic nerveux tirait toute la moitié gauche de son visage, dans la rage contenue dont le flot montait à son crâne. Le furieux mâle, aux appétits d'ogre, qu'il y avait en lui, caché derrière la glaciale sévérité de son masque professionnel, commençait à gronder sourdement, irrité de cette chair qu'on lui volait.

«Faisons vite, faisons vite», répéta-t-il, sans savoir ce qu'il disait, les mains fiévreuses.

Mais, lorsque Clarisse, disparue de nouveau, revint, un doigt sur les lèvres, elle le supplia de patienter encore.

«Je vous assure, monsieur, soyez raisonnable, autrement vous perdrez le plus beau.... Dans un moment, ça y sera en plein.»

Et, Delcambre, les jambes brusquement cassées, dut s'asseoir sur le petit lit de bonne. La nuit tombait, il resta ainsi dans l'ombre, tandis que la femme de chambre, aux écoutes, ne perdait aucun des bruits légers qui venaient de la chambre, et qu'il entendait, lui, décuplés par un tel bourdonnement de ses oreilles, qu'ils lui paraissaient être le piétinement d'une armée en marche.

Enfin, il sentit la main de Clarisse tâtonnant le long de son bras. Il comprit, lui donna, sans une parole, une enveloppe; où il avait glissé les deux cents francs promis. Et elle marcha la première, écarta la portière du cabinet, le poussa dans la chambre, en disant:

«Tenez! les v'lâ!»

Devant le grand feu, aux braises ardentes, Saccard était sur le dos, couché au bord de la chaise longue, n'ayant gardé que sa chemise, qui, roulée, remontée jusqu'aux aisselles, découvrait, de ses pieds à ses épaules, sa peau brune, envahie avec l'âge d'un poil de bête; tandis que la baronne, entièrement nue, toute rose des flammes qui la cuisaient, était agenouillée; et les deux grosses lampes les éclairaient d'une clarté si vive, que les moindres détails s'accusaient, avec un relief d'ombre excessif.

Béant, suffoqué par ce flagrant délit anormal, Delcambre s'était arrêté, pendant que les deux autres, comme foudroyés, stupides de voir entrer cet homme par le cabinet, ne bougeaient pas, les yeux élargis et fous.

«Ah! cochons! bégaya enfin le procureur général, cochons! cochons!»

Il ne trouvait que ce mot, il le répéta sans fin, l'accentua du même geste saccadé, pour lui donner plus de force. Cette fois, d'un bond, la femme s'était levée, éperdue de sa nudité, tournant sur elle-même, cherchant ses vêtements, qu'elle avait laissés dans le cabinet de toilette, où elle ne pouvait aller les reprendre; et, ayant mis la main sur un



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