La toile maudite by George J. Ghislain

La toile maudite by George J. Ghislain

Auteur:George J. Ghislain [Ghislain, George J.]
La langue: eng
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


— Constantin, je veux que tu accompagnes Gabriel. Vous irez chez Lechas, puisque le magasin a la préférence de notre artiste. Il faut tout racheter et qu’ils livrent cela dans les plus brefs délais.

— Monsieur ! Il y en aura pour une fortune ! dit Gabriel.

— Bien sûr, jeune homme, mais moins cher que chez Garnier, que vous exécrez. Et ne soyez pas timide, je tiens à mon portrait ! La date de Noël ne change pas, donc nous devrons mettre nos frustrations de côté, n’est-ce pas ? Constantin sera le garant de mes arrhes, comme cela, nous éviterons un délai supplémentaire. Constantin s’assurera que tu prennes ce dont tu as besoin.

— Il a même cassé mes pinceaux…

— Vous en rachèterez.

— Mais les pinceaux… c’est personnel. C’est une prolongation de soi, c’est… on s’y fait, on les connaît…

— Comme une maîtresse. Je me doute. Mais avez-vous le choix ? Profitez-en pour monter d’une catégorie, d’accord ?

— Vous êtes si bon… Je ne suis pas sûr d’être à la hauteur…

— Nous avons tous vu votre travail. Vous êtes à la hauteur, je n’en ai aucun doute. Et j’ai vu, ce matin, votre étude sur le nègre. Elle m’a époustouflé. Cette… justesse, ce sourire à la fois joyeux et dépité… Ce sera votre prochaine toile. Nous sommes d’accord ?

— Je n’osais pas vous le demander… Ce n’est… pas très bien vu…

Gabriel s’empêcha de réagir face au mot, qui, dans ses oreilles, résonnait comme une insulte. C’était peut-être usuel dans le langage, mais cet horrible mot était utilisé en insulte, réduisant ces hommes à des sous-hommes. Heureusement qu’ici, l’esclavage avait été aboli, dans les lois, près d’un demi-siècle plus tôt. Cela ne changeait pas beaucoup la manière dont les gens étaient traités, mais il osait croire que c’était une évolution positive. Ceci étant dit, en disant « noir » plutôt que « nègre », il ne faisait que déplacer le problème. Le liftier noir, c’était ramener l’homme non pas à son métier, mais à sa couleur. Or, ce qu’il voulait peindre, c’était la fonction, le quotidien, l’homme, avant son origine. Bien sûr, c’était intimement lié. Mais pourquoi fallait-il toujours ramener les gens à leur différence ?

— Vous dessinez la vie. Pas la misère. Il y a des peintres qui peignent la misère, pour nous arracher une larme. Mais vous, c’est la vie, c’est l’instant. C’est les gens, tels qu’ils sont à travers tes yeux. C’est pour ce talent-là que je t’ai engagé.

— Merci monsieur.

— Gustave.

— Merci Gustave.

— Allez, filez, tous les deux, mais avant, allez vous changer et nouez cette gorge.

Par réflexe, Gabriel porta la main à son cou et se rappela qu’il n’avait pas mis son nœud.

Il détala, remonta dans sa chambre, se changea et tenta de nouer son nœud.

On frappa à la porte.

— C’est moi.

Constantin.

Gabriel lui ouvrit.

— Je me doutais que tu aurais du mal avec ton nœud. Je vais t’apprendre.

Il déplaça Gabriel jusqu’au grand miroir de la garde-robe, et se glissa derrière lui. Leurs corps se touchaient et Gabriel frissonna. Constantin, s’il s’en était aperçu, ne dit rien.



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