La Révocation de l'édit de Nantes ou Les faiblesses d'un État by Philippe Joutard

La Révocation de l'édit de Nantes ou Les faiblesses d'un État by Philippe Joutard

Auteur:Philippe Joutard
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2018-06-14T16:00:00+00:00


Parce que Dieu me le défend

Et où te le défend-il

Dans ses saints commandements

Le roi le veut ainsi

Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes

Tu as juste raison répondit Monsieur le Major

Alors Monsieur le Commandant dit

Point tant de raison, la bastonnade

La part de « mise en scène » dans ce dialogue, extrait de la Relation d’Astier lui-même, surtout dans la fin de l’échange, est évidente, mais elle révèle bien que l’obligation est royale avant d’être religieuse. Un fait est certain : les bastonnades répétées ont bien eu lieu. Le journal des galères l’atteste, qui signale trois séances de quatre-vingts coups chacune. Alexandre Astier fait partie des libérations de 1713 et, devenu célèbre par « sa fermeté extraordinaire », il est choisi comme Ancien de l’Église huguenote de Zurich. Doué d’une robuste constitution, malgré ses quatorze ans de galères il meurt à quatre-vingt-deux ans, en 174929.

La répétition des bastonnades finit par émouvoir d’autres forçats, d’abord les Turcs, mais aussi une partie de l’encadrement. Par exemple Astier, au plus fort des bastonnades qui lui sont infligées, est sauvé par son « comite » (gardien) qui dit au lieutenant : « C’est un bon homme pour la vogue. » Le chirurgien de garde, appelé par l’entourage épouvanté de son état, est pris de pitié et l’envoie à l’hôpital, où le galérien affirme avoir été très bien soigné. L’intendant des galères est obligé de reconnaître que « leur constance confirme les autres et ébranle les nouveaux convertis » et le secrétaire d’État à la Marine recommande à son tour de ne pas maltraiter les galériens protestants, mais simplement de les laisser enchaînés sur leur banc. Une fois de plus, la confrontation a tourné à l’avantage des huguenots. Ils savent ensuite faire connaître leurs combats et leurs victoires dans toute l’Europe30. Les galériens deviennent les héros du protestantisme européen, mais leur prestige dépasse les limités confessionnelles.

Il suffit de lire la fin des Mémoires de Jean Marteilhe, qui fit partie des galériens libérés en 1713. Il raconte longuement son voyage triomphal vers le Refuge : avec ses compagnons, il passe à Turin où le catholique duc de Savoie devenu roi, voulant les voir, en reçoit six à son audience en présence des ambassadeurs de Hollande et d’Angleterre ; le souverain les interroge longuement sur le temps passé aux galères, les raisons de leur condamnation et leurs souffrances ; il se tourne alors vers les ambassadeurs et leur dit : « Cela est cruel et barbare. » À Genève, une foule nombreuse avec des magistrats et des pasteurs accueille triomphalement les anciens galériens. Marteilhe se dirige ensuite vers les Provinces-Unies avec six compagnons ; à Berne ils sont reçus officiellement par un secrétaire d’État. Même accueil à Francfort où les magistrats leurs disent qu’« ils sont le sel de la terre », quelques-uns versant même des larmes. L’enthousiasme est identique à Rotterdam comme à Amsterdam, fin de leur voyage. Là, le groupe est présenté aussi bien au consistoire wallon qu’au consistoire hollandais et ils sont partout invités. Marteilhe



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