La Joie de vivre by Émile Zola

La Joie de vivre by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2016-09-25T18:34:34+00:00


VII

La complication des cérémonies et certaines affaires à régler retinrent Lazare et Pauline deux jours à Caen. Quand ils revinrent, après une dernière visite au cimetière, le temps avait changé, une bourrasque soufflait sur les côtes. Ils partirent d’Arromanches par une pluie battante, le vent soufflait si fort que la capote du cabriolet menaçait d’être emportée. Pauline se rappelait son premier voyage, lorsque madame Chanteau l’avait amenée de Paris : c’était par une tempête pareille, la pauvre tante lui défendait de se pencher hors de la voiture, et lui rattachait à toute minute un foulard autour du cou. Dans son coin, Lazare songeait aussi, revoyait sa mère sur cette route, impatiente de l’embrasser, à chacun de ses retours : une fois, en décembre, elle avait fait deux lieues à pied, il l’avait trouvée assise sur cette borne. La pluie tombait sans relâche, la jeune fille et son cousin n’échangèrent pas une parole d’Arromanches à Bonneville.

Cependant, comme on arrivait, la pluie cessa ; mais le vent redoublait de violence, il fallut que le cocher descendit, pour prendre le cheval par la bride. Enfin, la voiture s’arrêtait devant la porte, lorsque le pêcheur Houtelard passa en courant.

– Ah ! monsieur Lazare, cria-t-il, c’est fichu, cette fois !… Elle vous casse vos machines.

On ne pouvait voir la mer, de cet angle de la route. Le jeune homme, qui avait levé la tête, venait d’apercevoir Véronique debout sur la terrasse, les yeux vers la plage. De l’autre côté, abrité contre le mur de son jardin, dans la crainte que le vent ne fendît sa soutane, l’abbé Horteur regardait aussi. Il se pencha pour crier à son tour :

– Ce sont vos épis qu’elle nettoie !

Alors, Lazare descendit la côte, et Pauline le suivit, malgré le temps affreux. Quand ils débouchèrent au bas de la falaise, ils restèrent saisis du spectacle qui les attendait. La marée, une des grandes marées de septembre, montait avec un fracas épouvantable ; elle n’était pourtant pas annoncée comme devant être dangereuse ; mais la bourrasque qui soufflait du nord depuis la veille, la gonflait si démesurément, que des montagnes d’eau s’élevaient de l’horizon, et roulaient, et s’écroulaient sur les roches. Au loin, la mer était noire, sous l’ombre des nuages, galopant dans le ciel livide.

– Remonte, dit le jeune homme à sa cousine. Moi, je vais donner un coup d’œil, et je reviens tout de suite.

Elle ne répondit pas, elle continua de le suivre jusqu’à la plage. Là, les épis et une grande estacade, qu’on avait construite dernièrement, soutenaient un effroyable assaut. Les vagues, de plus en plus grosses, tapaient comme des béliers, l’une après l’autre ; et l’armée en était innombrable, toujours des masses nouvelles se ruaient. De grands dos verdâtres, aux crinières d’écume, moutonnaient à l’infini, se rapprochaient sous une poussée géante ; puis, dans la rage du choc, ces monstres volaient eux-mêmes en poussière d’eau, tombaient en une bouillie blanche, que le flot paraissait boire et remporter. Sous chacun de ces écroulements, les charpentes des épis craquaient.



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