La guerre d'Indépendance espagnole et le libéralisme au XIXe siècle by Jean-Philippe Luis

La guerre d'Indépendance espagnole et le libéralisme au XIXe siècle by Jean-Philippe Luis

Auteur:Jean-Philippe Luis [Luis Jean-Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espagne, indépendance, Histoire, politique
ISBN: 9788490961346
Éditeur: Casa de Velázquez
Publié: 2017-06-29T15:05:36+00:00


VI. — DEUX MOTS DE CONCLUSION

Si l’histoire constitutionnelle de l’Espagne ne commence pas avant 1808, l’histoire de son constitutionnalisme débute dans les années antérieures. À partir de la fin du XVIIIe siècle, un groupe de penseurs formulent des propositions doctrinales visant à limiter le pouvoir de l’État et à favoriser les libertés individuelles. La Constitution de 1812 constitua le point culminant de ce premier constitutionnalisme. Les propositions qui, jusqu’alors s’étaient répandues dans la presse ou dans la littérature politique, étaient ainsi traduites pour la première fois en termes normatifs. Toutefois, le libéralisme triomphant à Cadix ne put imposer de manière transparente les idées qui le caractérisaient avant 1808 pour une raison claire : les circonstances politiques de 1808 ne le permettaient pas, même si l’absence du roi favorisait la révolution politique. La littérature révolutionnaire, celle venant de France mais aussi d’auteurs comme Locke, Sidney ou Harrington, apparaissait comme la source principale d’inspiration des libéraux — comme de fait elle l’avait été depuis le XVIIIe siècle — mais il était impossible d’afficher ces influences sans équivoque. S’il était dangereux, surtout à partir du règne de Charles IV, d’appuyer ces idées révolutionnaires, il était très malvenu pour différentes raisons de leur donner corps en 1808 dans une constitution. Tout ce qui ressemblait à une imitation de la France suscitait une méfiance qui pouvait être fatale au processus constituant car les Français étaient l’ennemi et tout ce qui provenait de nos voisins était l’objet de rejet. Il suffit pour s’en convaincre de lire Centinela contra franceses de Capmany ou de penser à la curieuse proposition de Flórez Estrada qui, malgré sa formation francophile, suggérait de construire un mur qui séparerait pour toujours de la France. Pour qu’une constitution ait quelques chances de triompher, il était nécessaire de rejeter tout ce qui pouvait rappeler la Révolution française, ou prendre le risque dans le cas contraire de s’attirer la fureur des puissantes couches sociales conservatrices, dirigées par le clergé et par les institutions d’Ancien Régime.

Cela explique en grande partie l’absence d’une déclaration des droits dans la Constitution de 1812 et le fait que les libertés ne s’y appuient pas sur le modèle jusrationaliste français. Il fallut attendre la disparition des circonstances bélliqueuses pour que le constitutionnalisme progressiste, véritable héritier de l’esprit gaditain, affirme sa préférence pour une déclaration des droits et pour un fondement jusrationaliste des libertés.

D’autres éléments inclus dans la Constitution de 1812 eurent une influence dans le constitutionnalisme espagnol du XIXe siècle. Il en est ainsi du choix de faire du citoyen, et non de l’homme, le titulaire des droits subjectifs, ou de la différence entre les libertés civiles et politiques, l’exercice de ces dernières étant limité. Une conception des droits comme cadre de la liberté de l’individu face à l’État perdura tout au long du XIXe siècle et ne fut nuancée qu’avec l’émergence, en grande partie grâce au socialisme, de l’idée des droits sociaux, qui voyaient dans l’État un dispensateur de droits et non plus seulement un ennemi potentiel de ceux-ci. Finalement,



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