LA FAMILLE DE PASCAL DUARTE by Camilo-José Cela

LA FAMILLE DE PASCAL DUARTE by Camilo-José Cela

Auteur:Camilo-José Cela [Cela, Camilo-José]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Litterature espagnole
Éditeur: Membre team AlexandriZ
Publié: 2012-01-17T05:00:00+00:00


Cela ne traîna guère. Quand nous le rendîmes à la terre, il avait onze mois ; onze mois de vie et de soins qu’un vent mauvais et perfide avait réduits à rien…

Qui sait si Dieu ne me punissait pas

Qui sait si Dieu ne me punissait pas pour tous les péchés que j’avais commis et pour tous ceux que j’allais faire ! Qui sait s’il n’était pas écrit dans la divine mémoire que le malheur serait mon seul chemin, le seul sentier par où mes tristes jours devraient s’écouler !…

Au malheur, nul ne s’habitue, croyez-moi, nous gardons toujours l’illusion que le mal présent est le dernier, puis, avec le temps, nous finissons par comprendre – et avec quelle tristesse ! – que le pire est encore à passer… Je repense à l’accablement où m’avaient plongé l’avortement de Lola et les coups donnés à Zacarias : si j’avais cru défaillir alors, c’est bien sûr parce que je ne soupçonnais pas ce qui devait par la suite arriver.

Trois femmes m’entouraient lorsque Pascalillo nous quitta ; trois femmes qui m’étaient proches, mais que je sentais parfois aussi étrangères que des inconnues de passage, aussi lointaines que le reste du monde ; de ces trois femmes, aucune, croyez-moi, aucune ne sut par son affection ou ses prévenances me rendre plus légère la perte de l’enfant ; au contraire, elles semblaient s’être liguées pour me rendre la vie plus amère… Ces trois femmes étaient ma femme, ma mère et ma sœur.

Qui l’aurait cru ? J’attendais tant de leur présence !

Les femmes sont comme les geais, désagréables et mauvaises…

Elles étaient toujours à dire :

— Le petit ange qu’un mauvais courant d’air a emporté !…

— Dans les limbes, pour le délivrer de nous !…

— Le petit qui était un vrai soleil !

— Et l’agonie !…

— Dire qu’il m’a fallu le tenir étouffé dans mes bras !

Une vraie litanie, accablante et lourde comme les nuits d’ivresse, lente et ennuyeuse comme la démarche des ânes.

Ainsi de jour en jour, de semaine en semaine… C’était horrible ; un châtiment du ciel, pour sûr, une malédiction de Dieu !…

Moi, je me retenais.

« C’est l’affection, pensais-je, qui les rend cruelles à leur insu… »

Et je m’efforçais de ne pas entendre, de les négliger complètement, de les regarder faire avec indifférence comme des fantômes, de ne pas prendre garde à leurs paroles… Je laissais mon chagrin mourir avec le temps, comme les roses coupées, protégeant mon silence comme un trésor, pour souffrir le moins possible. Vaines illusions ! Elles me portaient chaque jour à m’étonner davantage du bonheur des êtres nés pour les chemins faciles. Comment Dieu pouvait-il les laisser prendre corps en mon esprit ?

Je craignais le coucher du soleil autant que la rage et le feu ; allumer la lampe dans la cuisine, aux environs de sept heures du soir, me coûtait plus qu’aucun autre acte de ma journée. Toutes les ombres me rappelaient l’enfant mort, toutes les sautes de la flamme, tous les bruits de la nuit, ces bruits de la



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