Intuitions by Rachel Ward

Intuitions by Rachel Ward

Auteur:Rachel Ward [Ward, Rachel]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-02-03T17:22:00+00:00


— 20 —

Je ne suis jamais allée en Afrique, je n’ai jamais vu de hyène déchiqueter une carcasse d’antilope, mais je suis sûre que ça m’aurait rappelé Spider en train de dévorer un vrai petit déjeuner. Il se servait de sa fourchette comme d’une pelle, sans prendre le temps de respirer entre deux bouchées, trop occupé à se remplir l’estomac. Il leva soudain les yeux vers moi. Je n’avais pas touché à mon assiette.

— Qu’est-ce que tu nous fais, là ? s’exclama-t-il la bouche pleine d’œuf. Me dis pas que t’as pas faim !

— Non, j’aime bien la regarder. C’est hallucinant.

Après ces deux journées de folie, à se nourrir de chips et de petits gâteaux, ça faisait trop plaisir : deux énormes saucisses dégoulinantes de graisse, des œufs sur le plat de rêve, parfaitement bombés ; des tranches de bacon grillé ; une montagne de haricots avec la sauce qui se répandait sur tout le fond.

Il poussa un soupir, avala une autre bouchée qui lui macula le menton de jaune d’œuf.

— Tu délires grave. Mange.

De sa fourchette, il désigna la femme derrière son comptoir, sans doute Rita, et lança :

— Hé, on pourrait avoir du pain grillé, aussi ?

— Ça vient ! répondit-elle avec empressement.

Elle semblait contente de nous voir apprécier sa cuisine.

Je coupai le bout d’une saucisse et ne pus m’empêcher de soupirer de bonheur en la goûtant. Et puis je continuai à manger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien devant moi. Rita nous apporta du pain grillé. Elle faisait partie de ces gens qui ont l’air plus larges que hauts, avec son énorme poitrine qui tenait à peine dans une chemise d’homme à carreaux fermée par un tablier. Les jambes nues sous une jupe en jean droite, elle marchait dans d’épaisses pantoufles de fausse fourrure rose maculées de taches de graisse.

— Je vous les remplis ? demanda-t-elle en désignant nos tasses à thé.

— Allez-y, dit Spider en lui tendant la sienne.

Le liquide brun coula en fumant de la théière. À part nous, il n’y avait personne dans la salle et notre hôtesse n’avait pas l’air pressée de regagner son comptoir.

— Alors comme ça, vous avez couché dehors ?

Ce n’était pas une accusation, juste une question amicale.

À laquelle on répondit en chœur :

— Ouais.

Elle s’installa sur une chaise au bout de la table.

— Vous ne voulez pas téléphoner à quelqu’un, les enfants ? Vous pouvez utiliser l’appareil, ce sera gratuit pour vous.

Spider posa un instant sa fourchette :

— C’est bon, on a nos portables.

Je ne pouvais m’empêcher de penser à Val, perchée sur son tabouret dans la cuisine, son cendrier plein de mégots ; et puis je la revoyais sans cesse sur le trottoir, nous regarder partir.

— S’il y a quelqu’un, quelque part, qui attend de vos nouvelles, les enfants, il faudrait lui donner un coup de fil. Pour lui faire savoir que vous allez bien. Croyez-moi, mes bouts de chou, je sais ce que c’est que de rester à guetter son téléphone toute la journée. Ça vous brise le cœur.



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