Histoire des Treize by Honoré de Balzac

Histoire des Treize by Honoré de Balzac

Auteur:Honoré de Balzac [Balzac, Honoré de]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: eBalzac
Publié: 2020-02-25T16:00:00+00:00


— Ronquerolles a donc raison, pensa-t-il, nous allons jouer maintenant une partie d’échecs.

Dès lors il cacha ses émotions sous un calme complet. Aucun homme n’est assez fort pour pouvoir supporter ces changements, qui font passer rapidement l’âme du plus grand bien à des malheurs suprêmes. N’avait-il donc aperçu la vie heureuse que pour mieux sentir le vide de son existence précédente ? Ce fut un terrible orage ; mais il savait souffrir, et reçut l’assaut de ses pensées tumultueuses, comme un rocher de granit reçoit les lames de l’Océan courroucé.

— Je n’ai rien pu lui dire ; en sa présence, je n’ai plus d’esprit. Elle ne sait pas à quel point elle est vile et méprisable. Personne n’a osé mettre cette créature en face d’elle-même. Elle a sans doute joué bien des hommes, je les vengerai tous.

Pour la première fois peut-être, dans un cœur d’homme, l’amour et la vengeance se mêlèrent si également qu’il était impossible à Montriveau lui-même de savoir qui de l’amour, qui de la vengeance l’emporterait. Il se trouva le soir même au bal où devait être la duchesse de Langeais, et désespéra presque d’atteindre cette femme à laquelle il fut tenté d’attribuer quelque chose de démoniaque : elle se montra pour lui gracieuse et pleine d’agréables sourires, elle ne voulait pas sans doute laisser croire au monde qu’elle s’était compromise avec monsieur de Montriveau. Une mutuelle bouderie trahit l’amour. Mais que la duchesse ne changeât rien à ses manières, alors que le marquis était sombre et chagrin, n’était-ce pas faire voir qu’Armand n’avait rien obtenu d’elle ? Le monde sait bien deviner le malheur des hommes dédaignés, et ne le confond point avec les brouilles que certaines femmes ordonnent à leurs amants d’affecter dans l’espoir de cacher un mutuel amour. {p. 188} Et chacun se moqua de Montriveau qui, n’ayant pas consulté son cornac, resta rêveur, souffrant ; tandis que monsieur de Ronquerolles lui eût prescrit peut-être de compromettre la duchesse en répondant à ses fausses amitiés par des démonstrations passionnées. Armand de Montriveau quitta le bal, ayant horreur de la nature humaine, et croyant encore à peine à de si complètes perversités.

— S’il n’y a pas de bourreaux pour de semblables crimes, dit-il en regardant les croisées lumineuses des salons où dansaient, causaient et riaient les plus séduisantes femmes de Paris, je te prendrai par le chignon du cou, madame la duchesse, et t’y ferai sentir un fer plus mordant que ne l’est le couteau de la Grève. Acier contre acier, nous verrons quel cœur sera plus tranchant.

Pendant une semaine environ, madame de Langeais espéra revoir le marquis de Montriveau ; mais Armand se contenta d’envoyer tous les matins sa carte à l’hôtel de Langeais. Chaque fois que cette carte était remise à la duchesse, elle ne pouvait s’empêcher de tressaillir, frappée par de sinistres pensées, mais indistinctes comme l’est un pressentiment de malheur. En lisant ce nom, tantôt elle croyait sentir dans ses cheveux la main puissante de cet homme implacable, tantôt ce nom lui pronostiquait des vengeances que son mobile esprit lui faisait atroces.



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