Être communiste en U.R.S.S. sous Staline by Nicolas Werth

Être communiste en U.R.S.S. sous Staline by Nicolas Werth

Auteur:Nicolas Werth [Werth, Nicolas]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2017-10-11T22:00:00+00:00


Une belle journée

Si elle est généralement commémoration d’un événement du calendrier révolutionnaire, la fête peut aussi ne pas faire référence au passé ; elle peut simplement être l’occasion de « populariser » une idée ou une réalisation chères au régime. Parmi ces fêtes, on retiendra deux cérémonies qui sont censées donner aux masses un avant-goût de ce que devraient être les rapports socio-économiques dans une société communiste : il s’agit des « samedis communistes » et des « fêtes du “chefstvo” *3 ». Les samedis communistes, institués dès 1918, sont une journée durant laquelle, à l’appel du parti, la population est invitée à travailler gratuitement pour l’État. Ces samedis relèvent d’une triple tradition, celle de l’idéal russe du travail « tourné vers le podvig (exploit)… plutôt que vers la rabota (travail régulier, prosaïque, mal dégagé de son origine servile) 61 », celle de l’entraide villageoise et celle de la corvée, qui a existé jusqu’au dernier quart du XIXe siècle.

Voici les résolutions adoptées par une cellule de cheminots de Minsk pour l’organisation du « samedi communiste » du 24 septembre 1924 :

Dans le cadre de la « semaine d’aide au paysan », et d’après les instructions du Comité de district, les cheminots communistes de Minsk organisent un samedi communiste auquel sont invités tous les sans-parti.

1) Le matériel agricole usagé des paysans de la volost Sennitskaïa sera amené par les paysans aux ateliers de réparation de la gare de Minsk où il sera réparé gratuitement par les cheminots.

2) Les wagons usagés seront réparés gratuitement ce samedi et tous les jours de la « semaine d’aide au paysan », à raison de deux heures de travail supplémentaire par jour.

3) Tout le matériel réparé sera ensuite exposé sur la place de la gare, avec, sur chaque objet, l’inscription : « aide du cheminot au paysan ».

4) Dimanche, les cheminots se rendront aux champs, où ils aideront les paysans dans leurs travaux.

5) Un meeting, avec orchestre, drapeaux rouges et repas, clôturera cette journée 62.

Comme lors de ce samedi communiste, la fête du chefstvo a pour but de « rapprocher la classe ouvrière et la paysannerie laborieuse et de concrétiser l’alliance ouvrière et paysanne ». Une cellule ouvrière prend l’engagement de patronner une cellule paysanne, moins avancée idéologiquement. Ce patronage reste en fait très réglementé et tout à fait théorique, les militants ouvriers ayant eux-mêmes bien d’autres choses à faire que d’aller au village aider les communistes ruraux à se dépêtrer de leurs problèmes. Mais, une ou deux fois par an, la cellule ouvrière profite d’une belle journée pour venir faire un tour au village où les communistes locaux la reçoivent, tandis que la population regarde avec curiosité ces gens venus de la ville :

Aujourd’hui, c’est fête au village ! De la ville arrivent les militants de l’usine de papiers peints de Minsk, une cinquantaine, avec femmes et enfants, habillés en pionniers, chemise blanche et cravate rouge. Notre cellule les accueille à l’entrée du village, et leur offre le pain et le sel. Eux, ils nous apportent un gros rouleau de papier peint.



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