Couvents de femmes by Geneviève Reynes

Auteur:Geneviève Reynes [Reynes, Geneviève]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782213020181
Éditeur: Fayard
Publié: 2015-12-05T05:00:00+00:00

Ces personnages hors du commun, qui fascinent le peuple, inquiètent cependant l'Église. Pendant tout le XVIIe siècle, elle aura besoin de durcir ses positions pour lutter contre les doctrines plus ou moins hérétiques qui risquent d'affaiblir son pouvoir : le protestantisme, bien sûr, et plus tard le jansénisme, le quiétisme... Elle ne craint pas que les religieuses visionnaires, isolées dans leurs couvents et souvent ignorantes, n'élaborent des théories dangereuses, mais plutôt que l'étrangeté de leur comportement et l'influence qu'elles ont sur leur entourage n'encouragent une liberté de pensée imprudente. Elle considère d'ailleurs comme peu conforme à la tradition monastique qu'une religieuse se distingue des autres et fasse parler d'elle. Le silence lui convient mieux que le bruit, même si ce bruit semble l'écho des chœurs d'anges assemblés autour du trône divin.

On ne craint pas de rappeler Dieu lui-même au respect des convenances quand il paraît oublier que la vocation de ses vierges n'est pas dans l'éclat. Au début de la Visitation, les premières disciples de François de Sales vibraient d'une si grande ardeur que beaucoup d'entre elles furent gratifiées de « faveurs surnaturelles » : « Plusieurs eurent en fort peu de temps des oraisons de quiétude, de sommeil amoureux, et de saintes visions ; d'autres de grandes connaissances des mystères divins ; quelques autres de fréquents ravissements où elles recevaient de grands dons et grâces de la divine bonté. » Jeanne de Chantal s'en inquiéta et supplia Dieu de laisser ses filles dans leur « petitesse ». Il se rendit, semble-t-il, à ses raisons, car tout rentra bientôt dans l'ordre et la bienséance 143.

À Montmartre, qui ne respirait que pour la régularité, on surveillait attentivement la piété des filles et l'on ne tolérait de leur part aucune excentricité. Cette position était finalement assez sage tant qu'elle ne tournait pas à la persécution haineuse, comme celle dont eut à souffrir Marie Granger. Il était certainement préférable de ne pas encourager les esprits faibles dans une voie dangereuse pour leur équilibre mental, et les diables de Loudun se seraient plus vite dissipés en fumée si on avait eu la prudence de les laisser dans l'ombre.

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