Au Hasard de la Vie by Rudyard Kipling

Au Hasard de la Vie by Rudyard Kipling

Auteur:Rudyard Kipling [Kipling, Rudyard]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Nouvelles/Aventures
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2016-07-28T04:00:00+00:00


Vous n’avez qu’à parler

Et vous serez madame Brallaghan,

Ne dites pas non,

Charmante Julie Callaghan.

Je ne reconnaissais pas ma voix en chantant. Et vrai ! c’était pitié de voir les femmes. Ces pauvres chéries étaient le visage contre terre. En passant devant la dernière je la vis crisper ses pauvres petits doigts les uns sur les autres comme si elle voulait me toucher les pieds. Aussi, par grande faveur, je lui posai sur la tête le pan de mon paletot rose, et m’éclipsai dans l’obscurité de l’autre côté du temple, où je tombai dans les bras d’un gros prêtre obèse. Je ne demandais qu’une chose, c’était de filer de là. Aussi je l’empoignai par son gras gosier et lui coupai la parole. « La sortie ! que je lui dis. Par où, espèce de gros païen ? — Oh ! qu’il fit. Vous n’êtes donc pas un dieu ? — Un homme, que je dis. Blanc, soldat, vulgaire soldat. Où est la porte de derrière ? — Par ici », que dit mon gros copain, en se coulant derrière un énorme dieu-taureau et plongeant dans un couloir. Alors je m’avisai que je devais avoir fait à ce temple une réputation miraculeuse pour les cinquante années à venir. « Pas si vite », que je dis. Et en clignant de l’œil je tendis mes deux mains. Le vieux brigand eut un sourire de père. Je l’empoignai par la peau du cou dans le cas où il aurait eu envie de me planter un coup de couteau en sourdine, et pour lui permettre de rassembler ses esprits je le fis galoper deux fois d’un bout à l’autre du couloir. « Tenez-vous tranquille ! qu’il dit, en anglais ! — Voilà que tu parles raisonnablement, que je lui dis. Qu’est-ce que tu vas me donner pour ce si élégant palanquin que je n’ai pas le temps d’emporter ? — Je ne sais pas, qu’il dit. — Pas possible ? que je dis. Voyons, tu peux bien me payer mon billet de chemin de fer. Je suis loin de chez moi et je t’ai rendu service. » Les gars, c’est un bon métier que d’être prêtre. Le vieux type n’eut pas besoin d’aller chercher de l’argent à la banque. Comme je vous le prouverai subséquemment, il farfouilla dans les plis de ses vêtements et se mit à faire pleuvoir dans ma main des billets de dix roupies, des mohurs d’or anciens, et des roupies tant et si bien qu’elle ne pouvait plus les contenir.

— Tu mens ! dit Ortheris. Tu es fou ou bien tu as attrapé un coup de soleil. Un indigène ne donne jamais d’argent monnayé à moins qu’on ne le lui arrache. Ce n’est pas vrai.

— Alors mon mensonge et mon coup de soleil sont cachés sous cette motte de gazon là-bas, répliqua Mulvaney, sans sourciller, avec un signe de tête vers la brousse. Va, Ortheris mon fils, il y a plus de choses dans la nature que tes petites jambes ne t’ont jamais permis d’en voir.



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