Americanah by Chimamanda Ngozi Adichie

Americanah by Chimamanda Ngozi Adichie

Auteur:Chimamanda Ngozi Adichie [Adichie, Chimamanda Ngozi]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Gallimard
Publié: 2014-12-30T23:00:00+00:00


CHAPITRE 24

Tout le monde se moquait de ceux qui partaient à l’étranger pour nettoyer les toilettes, Obinze accueillit donc son premier job avec humour : il était bel et bien à l’étranger, un seau à la main, ganté de caoutchouc, en train de nettoyer les toilettes des bureaux d’un agent immobilier au deuxième étage d’un immeuble londonien. Chaque fois qu’il ouvrait la porte battante d’une cabine, elle semblait soupirer. La très belle femme noire qui nettoyait les toilettes des femmes était ghanéenne, à peu près de son âge, avec la peau la plus brillante qu’il ait jamais vue. Il devina, à la façon dont elle parlait et se comportait, un passé semblable au sien, une enfance protégée, des repas réguliers, des rêves où le nettoyage des toilettes à Londres n’avait pas sa place. Elle ignorait ses gestes amicaux, lui adressait un « bonsoir » aussi formel que possible, mais se montrait amicale avec la femme blanche qui faisait le ménage dans les bureaux à l’étage, et il les vit un jour attablées dans la cafétéria déserte, devant un thé, conversant à voix basse. Il les observa pendant un moment, envahi par une énorme frustration. Ce n’était pas qu’elle refusait de se lier d’amitié, elle ne voulait simplement pas de la sienne. L’amitié dans leur cas lui paraissait peut-être impossible parce qu’elle était ghanéenne et que lui, Nigérian, était trop proche d’elle ; il savait qui elle était, alors qu’avec la Polonaise elle pouvait se réinventer et être celle qu’elle désirait être.

Les toilettes n’étaient pas épouvantables, un peu d’urine hors de l’urinoir, quelques chasses non tirées ; son travail était beaucoup plus facile que celui des agents d’entretien des toilettes du campus de Nsukka, avec les couches de merde étalées sur les murs à la vue desquelles il s’était toujours demandé pourquoi quelqu’un se donnait tant de mal. Aussi fut-il choqué, un soir, d’entrer dans une cabine et de découvrir un tas de merde sur le couvercle du siège, durci, pointu, centré comme s’il avait été soigneusement déposé à un endroit bien calculé. On eût dit un petit chien pelotonné sur son tapis. C’était une mise en scène. Il pensa au refoulement bien connu des Anglais. La femme de son cousin, Ojiugo, avait dit un jour : « Les Anglais peuvent vivre à côté de toi pendant des années, mais ils ne te diront jamais bonjour. C’est comme s’ils se boutonnaient jusqu’au cou. » Il y avait dans cette mise en scène quelque chose qui ressemblait à une envie de se déboutonner. Un employé mis à la porte ? Privé d’une promotion ? Obinze resta en contemplation devant ce tas de merde, se recroquevillant de plus en plus jusqu’à le considérer comme un affront personnel, un direct à la mâchoire. Et tout ça pour trois livres de l’heure. Il retira ses gants, les déposa près du tas de merde et sortit de l’immeuble. Ce soir-là, il reçut un e-mail d’Ifemelu. Ciel, je ne sais même pas par où commencer. Je suis tombée par hasard sur Kayode aujourd’hui au centre commercial.



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