Alerte à la fraîche by David Craig

Alerte à la fraîche by David Craig

Auteur:David Craig [Craig, David]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782070485772
Google: IVSLPQAACAAJ
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1973-04-14T23:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

Julian Fortune

CHAPITRE 8

— Écoutez, monsieur Fortune, je fais de mon mieux pour distraire le gosse, me déclara Mick Allen. Je veux le voir heureux, aussi heureux que possible, je vous assure.

Il se mit à gonfler un gros ballon jaune sur lequel était peint une tête de sauterelle prolongée par deux antennes noires. Lorsque le sourire de la sauterelle fut étiré au point que les lignes les plus fines eurent disparu, Allen, l’air solennel, tendit le bras et lâcha le ballon. L’air s’échappait en sifflant de l’embout et la sauterelle, qui s’amenuisait, zigzaguant dans la pièce par glissades et par ricochets, alla finalement épuiser ses dernières forces, coincée dans un angle du plafond. Le ballon demeura là un instant, frémissant et cognant contre le mur, comme s’il essayait de creuser un tunnel, de chercher une issue. Puis, brusquement, il retomba, redevenu minuscule, des gouttes de salive coulant de l’embout.

— Je vois forcément ce petit sous un jour spécial, n’est-ce pas ? fit remarquer Allen. Si les choses avaient tourné autrement entre Gail et moi, ç’aurait pu être le mien.

Ian, étendu sur un divan, sembla à peine remarquer le ballon, bien qu’il fût réveillé. Il le regarda tomber uniquement parce qu’il flottait devant lui. Mais il n’avait pas suivi son vol éperdu d’un mur à l’autre, ni sa frénétique courbe ascendante. Peut-être était-ce parce que la vaste pièce, dont de grandes zones restaient dans l’ombre, n’était éclairée que par des bougies.

Allen ramassa le ballon et se remit à le gonfler. Cette fois, il noua l’embout et envoya la sauterelle à Ian qui l’attrapa au vol et la serra contre lui, comme un ours en peluche.

— Je crois qu’il s’est habitué. Franchement, poursuivit Allen. Ça a de la résistance, les enfants. Et ils ne se font pas de bile comme nous autres. Ils ne voient pas toutes les implications, pas vrai ? Il y aurait beaucoup à dire en faveur de l’ignorance. Vous ne trouvez pas, monsieur Fortune ?

Il s’exprimait avec un mélange de gravité et d’ardeur, comme s’il ne vivait que pour ce genre de discussions.

— L’ignorance ? dis-je. J’ai bâti toute ma carrière dessus. C’est pour ça que je passe mon temps à poser des questions au petit écran.

Ian remua ; le ballon lui glissa des mains et se mit à rouler par terre. Il se tourna sur le flanc et tendit les deux mains pour le rattraper, mais le ballon lui échappa.

Allen le regardait faire, tout en réfléchissant à ce que j’avais dit. Au bout d’un moment, il sembla se rendre compte que c’était une plaisanterie. Il eut un petit sourire et déclara :

— Je sais que ça n’est pas si facile. Vous avez beaucoup de travail préparatoire.

— Un peu.

— À vous voir faire, ça paraît facile, mais c’est toujours à ça qu’on reconnaît un vrai talent. (Allen s’approcha de l’enfant, et après avoir ramassé le ballon, arrangea l’édredon pour mieux le couvrir.) Je ne veux pas avoir l’air de dire que je n’en ai jamais eu l’occasion, monsieur Fortune… ce genre de pleurnicheries me rend enragé.



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