Ainsi soit-elle by Benoîte Groult

Ainsi soit-elle by Benoîte Groult

Auteur:Benoîte Groult [Groult, Benoîte]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782246018292
Google: lp93Oo4f7QkC
Éditeur: Grasset
Publié: 2000-02-29T23:00:00+00:00


CHAPITRE V

MA MÈRE, C'ÉTAIT UNE SAINTE!

« Supposer que la femme puisse éprouver du plaisir sexuel est une vile calomnie. »

ACTON, médecin contemporain de Freud.

J'imagine les lecteurs de bonne volonté que leurs femmes auront décidé à parcourir ce livre répliquant qu'après tout en Europe elles n'ont pas à se plaindre car on n'a jamais eu recours à la chirurgie pour remodeler leurs organes.

Eh bien, qu'ils ne se rassurent pas à trop bon compte : c'est faux! En Europe aussi des hommes auraient bien voulu neutraliser ce petit organe insolent et inutile pour le mâle, donc parfaitement répréhensible. Et eux aussi ont rêvé de chirurgie parce qu'elle constituait le moyen idéal pour extirper à la racine cet odieux plaisir féminin.

Au XVIIe, le chirurgien Dionis effectuait, toujours à la demande des maris, bien entendu, la résection du clitoris « pour faire des femmes de devoir ». Les épouses ainsi rectifiées ne risquaient effectivement plus d'être des femmes de plaisir.

Au XIXe, le chirurgien Brown fut exclu de la Société d'obstétrique de Londres pour avoir pratiqué 50 excisions afin, selon lui, de guérir l'hystérie de ses patientes.

En 1864, Broca 1, célèbre chirurgien et fondateur de l'École d'anthropologie française, proposa dans un souci d'humanité de « mettre le clitoris à l'abri » en suturant les grandes lèvres devant l'organe, au lieu de l'extraire purement et simplement. Mahomet, rappelez-vous, dans un souci d'humanité lui aussi, avait conseillé de n'en enlever que la moitié... Enfin en 1900, le Dr Pouillet recommandait de cautériser au nitrate d'argent les parties sensibles des jeunes filles enclines à « se manueliser ». (Cité par Jean Markale dans la Femme celte.)

Bien sûr cette pratique ne fut jamais très répandue mais on avait osé y songer. Soyons sûres que si l'esprit d'indépendance avait pu se localiser aussi facilement que l'esprit de plaisir, nous en eussions subi l'ablation... pour les motifs les plus éminents. Le bien de la famille, par exemple, eût justifié à merveille une petite intervention.

Empêchés d'utiliser le seul moyen radical, les hommes en furent réduits à inventer toutes sortes de techniques pour éviter aux femmes de pécher, c'est-à-dire de jouir du corps que Dieu leur avait donné et de s'épanouir selon leur nature à elles, qui était mauvaise par définition. Et ils déployèrent dans cette recherche une imagination délirante, depuis la séparation arbitraire dans la Grèce antique de la gent féminine en hétaïres vouées aux plaisirs de l'esprit, en pallaques, aux plaisirs des sens, et en « épouses » réservées au foyer et à la reproduction (diviser pour régner... on songe au Meilleur des mondes de Huxley...), jusqu'à la mutilation des pieds des petites filles en Chine pour les empêcher, au propre comme au figuré, de courir, en passant par les négresses à plateaux et mille autres trouvailles amusantes.

Il est assez surprenant, quand on découvre l'interminable liste de mutilations physiques ou morales qui jalonnent l'histoire de l'oppression féminine, d'entendre les psychanalystes faire de la peur de la castration chez le garçon une des bases de son comportement. Aucune race, aucun peuple, même



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