Noir by Pastoureau Michel

Noir by Pastoureau Michel

Auteur:Pastoureau, Michel [Pastoureau, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Histoire
Éditeur: Seuil
Publié: 2008-06-05T22:00:00+00:00


Hachures et guillochures

Cependant, quelle que soit la virtuosité des graveurs, l’image en noir et blanc ne peut pas assumer toutes les fonctions de la couleur. Cela pose des problèmes insolubles à plusieurs sciences qui ont un besoin impératif de la couleur pour s’exprimer : la cartographie, la botanique, la zoologie, l’héraldique, par exemple. Les images dont elles se servent sont des images documentaires, pédagogiques et même taxinomiques ; la couleur y joue un rôle d’information et de classification essentiel. Dès lors, comment faire lorsqu’elle est absente, ou plutôt lorsqu’elle se réduit au seul noir et blanc ?

Étudions le cas de l’héraldique car c’est le plus crucial. Le blason en effet est d’abord une grammaire de la couleur. Il ne peut en être privé : si l’image ne fait pas connaître les couleurs des armoiries qu’elle met en scène, l’information est non seulement incomplète mais mutilée, et les risques de mauvaise lecture ou de confusion, très grands. D’où différents essais effectués par les graveurs et par les imprimeurs, entre la fin du XVe siècle et le début du XVIIe, pour essayer de traduire les couleurs du blason au moyen de lettres conventionnelles, de signes typographiques, de petites figures ornementales. Certains procédés sont directement hérités des habitudes du livre manuscrit. Ainsi l’emploi de petites lettres, initiales des termes de couleur en usage dans le scriptorium ou dans l’atelier concerné(170). Mais, à l’époque de l’imprimé, ces termes ne sont plus latins mais vernaculaires et ils varient donc d’une langue à l’autre ; les erreurs ou les inversions sont nombreuses. La même lettre peut renvoyer, selon la langue utilisée, à deux ou trois couleurs héraldiques différentes : g, par exemple, désigne en général l’or dans les pays de langue allemande (gold), mais le rouge (gueules) en France et en Angleterre ; en outre, certains ateliers suisses l’emploient également pour désigner la couleur verte (grün).

La gravure sur bois à ses débuts chercha à contourner ces difficultés en jouant sur l’opposition entre les majuscules et les minuscules, ou bien en prenant pour certains termes non pas la seule initiale mais les deux premières lettres ; mais les erreurs restèrent nombreuses. Dans les pays germaniques, on eut parfois l’idée de remplacer les lettres par de petites figures : étoiles, besants, fleurs de lis, roses, feuilles de houx, etc., chacune renvoyant à une couleur ; ou bien d’utiliser les signes conventionnels des astres et des planètes, puisque les traités de blason établissaient parfois des correspondances entre les astres et les couleurs(171). Ces différents codes, qui traversèrent tout le XVIe siècle, ne se révélèrent guère plus efficaces que celui des lettres. L’usage de ces dernières, malgré ses insuffisances, demeura le plus fréquent jusqu’à la fin du XVIe siècle.

À partir de cette date, dans les ouvrages dont l’héraldique était le sujet principal et dans ceux où les armoiries étaient abondamment présentes (les ouvrages d’histoire et de généalogie, par exemple), graveurs et imprimeurs commencèrent à recourir à d’autres procédés, construits sur des semis de points et des jeux de hachures ou de guillochures.



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