Une passion fauve by Bourdin Françoise

Une passion fauve by Bourdin Françoise

Auteur:Bourdin, Françoise [Bourdin, Françoise]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782714441683
Éditeur: Belfond
Publié: 2005-09-06T22:00:00+00:00


À peu près au même moment, Berill sortait de la banque. Comme toujours, elle prit le temps d’ajuster ses gants tout en inspirant profondément. Être enfermée dans un bureau à longueur de journée finissait par lui peser, mais Tomas avait un peu de mal à se remettre au travail pour le moment, encore secoué par toutes les épreuves traversées ces dernières années, et il lui avait demandé comme une faveur de rester à ce poste de directrice où elle faisait merveille. De son côté, il rencontrait à Zurich ou à Bâle des clients institutionnels, banquiers et assureurs, avec lesquels il comptait traiter dans l’avenir.

Berill lissa machinalement la jupe de son tailleur Schiaparelli, puis elle traversa la chaussée. Alors qu’elle atteignait le trottoir, quelqu’un cria son prénom et elle s’immobilisa, pétrifiée. La voix lui était si familière qu’elle fut parcourue d’un frisson avant de trouver le courage de se retourner. À deux pas d’elle, son frère Arno la dévisageait.

C’était bien lui, même s’il avait changé. Plus mince, plus droit, les traits marqués, les cheveux coupés ras, avec une sorte d’allure militaire qui devait lui rester de son habitude de marcher au pas de l’oie. Berill se sentit soulevée par une bouffée de colère mêlée de dégoût. Elle n’avait jamais eu la preuve qu’Arno fût pour quelque chose dans l’arrestation de leur père, la confiscation de ses biens et sa déportation dans un camp. Néanmoins, son silence depuis dix ans ainsi que son engagement volontaire dans les rangs nazis suffisaient à l’accabler.

— Tu es très élégante, une vraie femme du monde ! apprécia-t-il en détaillant Berill des pieds à la tête.

Comme elle ne répondait rien, il s’empressa d’ajouter :

— Pouvons-nous parler quelque part ?

Son regard sombre balaya la place de la Palud et s’arrêta sur la façade de l’immeuble qui abritait les locaux de la banque.

— Tu as bien un bureau ou…

— Allons dans une brasserie ! trancha Berill.

Elle ne voulait pas qu’Arno mette un pied à l’Irish, ni qu’il rencontre Mathias. Avec raideur, elle le précéda jusqu’à l’entrée du premier restaurant venu, marchant un pas devant lui sans le regarder. Elle choisit une table isolée et, pour se débarrasser du maître d’hôtel, commanda n’importe quoi. Lorsqu’il furent seuls face à face, elle ôta ses gants puis adressa un petit signe de tête à Arno.

— Je t’écoute, lâcha-t-elle d’un ton crispé.

Mais son frère semblait hésiter à présent, les yeux baissés et la nuque raide.

— Tu es d’une effrayante froideur, lâcha-t-il enfin.

— Et je ne devrais pas ? Ce sont de tendres retrouvailles ? Tu n’as rien à te reprocher, Arno ?

Le prénom lui-même paraissait étranger. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas prononcé ?

— Je suis venu pour ça, admit-il. Pour t’expliquer, à toi d’abord. Tu as toujours été une… une drôle de fille. Peut-être pourras-tu me… comprendre. Mais dis-moi d’abord comment vont les autres.

— Bien.

Elle marqua une pause puis ajouta :

— Tous.

Un serveur vint déposer des assiettes devant eux et Berill s’aperçut qu’il s’agissait de poissons du lac. Un blanc de Neuchâtel fut également servi, versé de haut dans les verres selon la tradition.



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