L'Énigme de la chambre 622 by Joël Dicker

Auteur:Joël Dicker [Dicker, Joël]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Editions Fallois
Publié: 2013-02-23T20:05:56+00:00

* * *

← 3. Aux échecs, jeu ultra-rapide.

XV

Hermine, ayant saisi son sac de voyage, était sortie en coup de vent de sa chambre.

Elle dévala l’escalier comme une folle au risque de se rompre le cou. Elle franchit la porte d’entrée du manoir. Essaya de courir dans la neige. Les flocons, en rangs serrés, se jetaient sur elle comme des oiseaux hitchcockiens, lui glaçant le visage. Elle plissait les yeux. Elle s’efforçait de fuir le plus rapidement possible mais sa marche était forcément pénible et ralentie à cause de l’épaisseur de la couche neigeuse. Elle osa tourner la tête et regarder la façade sinistre de la vieille demeure. La tempête blanche revêtait un aspect fantastique et l’espace autour de la jeune femme n’était plus qu’un déluge de brins de coton qui tourbillonnaient comme pris de folie pour aller grossir les congères qui s’élevaient en file tels des alignements mégalithiques.

Malgré sa peine à avancer, le manoir, dans son dos – elle avait jeté les yeux dessus à deux ou trois reprises – rapetissait à vue d’œil. Elle parvenait à prendre le large, la figure cinglée par les fétus de glace. Elle fermait à demi les yeux, le nez et les joues déjà tout violets, tenant d’une poigne ferme son sac qui, par moments, lui battait la jambe.

Le cadavre de Dézessarts n’avait pas bougé de la chaise-fauteuil, face à l’échiquier chamboulé. Aucune trace de lutte. Rien. Le poignard était profondément fiché dans le dos du mort et un léger filet de sang continuait de couler sur sa veste pied-de-poule, ainsi que sur un accoudoir du siège.

Les douze ou quinze personnes qui se trouvaient là, autour de la victime, avaient l’air anéanties par la stupéfaction.

— Mais enfin…, bredouilla Doutreloup. C’est quand même inimaginable.

— Ne nous affolons pas, dit Browievski, ayant retrouvé ce ton professionnel dont il usait à l’époque de ses activités à la P.J. Surtout, ne touchons à rien. Et dites-vous bien, tous, que la magie ça n’existe pas. Je veux dire qu’il y a toujours un truc. L’assassin est forcément passé quelque part. A, pour entrer. B, pour sortir. On verra ça plus tard.

— Vous n’êtes donc pas pressé de savoir ? dit le vieux Bohelles, affolé. Moi je ne crois pas aux fantômes.

— Moi non plus, dit le commissaire. Cette histoire est peut-être des plus simples. Le coup de poignard a vraisemblablement été donné au moment où l’on se chamaillait devant la porte à propos de ce tableau… Mis par vous, Saint-Florent, devant la lucarne…

— Je n’ai rien remarqué de particulier, dit le journaliste. D’abord, la toile bouchait la vue, c’est vrai. Mais juste avant que je place le Géricault dans l’encadrement de la vitre, Dézessarts m’a paru tout à fait vivant. Je crois même pouvoir dire qu’il regardait cette lucarne.

— Quand avez-vous regardé une dernière fois le joueur par la lucarne, professeur ? demanda Browievski.

— Je ne me souviens pas trop… Sans doute trois ou quatre minutes avant cet esclandre de M. Saint-Florent à propos du tableau.

— Comment était-il ?

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