SANS ÂGE by Auteur inconnu

Auteur:Auteur inconnu
Format: epub

Où Prudence découvre les phrases

Les Maccon rentrèrent à temps à l’hôtel pour se changer et se rendre présentables avant d’être conduits devant la reine Matakara et la ruche d’Alexandrie. Le chancelier Neshi les attendait avec impatience dans l’entrée.

Les Tunstell et leur troupe arrivèrent peu après, descendant l’escalier en traînant des morceaux de décor et déjà en costume pour le premier acte, même si les messieurs portaient tous des hauts-de-forme pour le trajet. Si leur arrivée à l’hôtel avait été remarquée avec intérêt par les indigènes, leur départ fut encore plus notable. La robe de Mme Tunstell était en satin argent et ornée d’une quantité de bijoux en fausses perles. M. Tunstell était aussi bien vêtu que n’importe quel homme du monde, sauf que son costume était en satin cramoisi et qu’il portait une courte cape dorée boutonnée sur une épaule comme celle d’un mousquetaire. M. Tumtrinkle, méchant des guêtres à la cravate, portait du velours noir avec des boutons en strass, des gants en cuir bleu et une cape de satin bleu nuit qu’il faisait battre et tournoyer comme des ailes en se déplaçant.

Cette fois, il n’y eut pas besoin d’ânes. La reine leur avait envoyé une locomotive, un énorme engin digne de l’intérêt de Mme Lefoux elle-même. L’inventrice, pourtant, n’était nulle part en vue ; elle avait disparu à la poursuite de ses propres affaires encore plus rapidement que ce à quoi Alexia s’était attendue. Elle se sentait, il faut bien l’admettre, plutôt abandonnée et sans importance. Après tout, elle avait supposé que Mme Lefoux avait été envoyée en Égypte pour l'espionner, et voilà qu’elle se retrouvait à être le dernier de ses soucis.

La locomotive était une bête élancée et grondante, à la silhouette un peu semblable à celle d’une diligence, mais ouverte. La plate-forme arrière était couverte de roseaux, sans cloute pour le confort des occupants, car il n’y avait pas de siège. Comme elle descendit en grondant le long de rues et d'allées conçues pour des ânes, la paille ne fut pas d’une grande aide. Alexia n’avait jamais vécu un trajet aussi cahotant. La locomotive rotait des nuages de vapeur dans le ciel obscur du soir par deux hautes cheminées et produisait tant de bruit qu’il était impossible d’avoir une conversation polie.

Prudence, l’horrible enfant, adora le tout. Elle bondissait, toute excitée, à chaque cahot et chaque sursaut. Alexia commençait à avoir terriblement peur d’avoir transmis ses propres tendances intellectuelles à sa fille, en pire. La petite était fascinée par tout ce qui était un peu mécanique, et son attrait pour les dirigeables et autres formes de transport ne faisait qu’augmenter.

La demeure de la ruche d’Alexandrie était située non loin de la rue Ibrahim, en vue du Port Vieux, du côté est de la ville. La façade du bâtiment était de style grec. Il comportait deux niveaux, le premier soutenu par de grosses colonnes de marbre largement espacées, et le second par une colonnade de piliers plus petits formant un long balcon. L’intérieur, néanmoins, ressemblait plus à l’une des fameuses tombes creusées dans la roche de la vallée des Rois.

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