Pourvu qu'on ne s'aime jamais by Dahlia Blake

Auteur:Dahlia Blake [Blake, Dahlia]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fyctia édition
Publié: 2023-07-05T00:00:00+00:00

25 août

Demain, c’est mon anniversaire ! J’ai tellement la flemme. Cruella a invité toutes les vieilles tantes… Je suis sûre que ça va être trop chiant. Heureusement, l’Aigle a dit qu’on ferait des ricochets à la rivière. Bon, je n’ai pas le droit normalement, surtout en pleine nuit. Mais il m’a dit qu’il y aura tellement de monde que personne n’en saura rien. Ce sera notre petit secret.

Tout à coup, le carrelage me paraît gelé. Un frisson de terreur me paralyse alors que mes yeux relisent encore et encore les mots sous mes doigts. « Ce sera notre petit secret. » Ma mère m’a dit qu’elle m’avait retrouvée à la rivière un soir. Serait-ce ce soir-là ? Étais-je avec cet Aigle ? C’est impossible. Je m’en serais souvenue. Non ?

– Tu es déjà debout ?

La voix de ma tante m’arrache un petit cri. Je sursaute, mon cœur battant la chamade, me rappelant que je ne suis pas morte sur ce carrelage.

– Tatie, tu m’as fait peur.

– Ce n’est que moi, ma fille, murmure-t-elle en s’approchant de moi en claudiquant.

Elle a de plus en plus de mal à marcher. Cette femme normalement pleine de vie semble la moitié d’elle-même en ce moment. Je me précipite pour l’aider à rejoindre la cuisine.

– Tu es sûre que ça va ?

– C’est plutôt à toi qu’on devrait demander ça. Ka maché tout’lan nuit kon an dorlis1.

Je ris ; elle n’a pas tout à fait tort.

– Ce sont toujours tes cauchemars qui te gardent éveillée, ou alors est-ce le beau Rafael ? S’il te plaît, juste pour faire plaisir à ta vieille tante, dis-moi que c’est Rafael.

– Ça te ferait plaisir de savoir que je passe toutes mes nuits avec lui ?

– Bien sûr ! Profite, ma chérie, le temps passe trop vite ! Je sais de quoi je parle. Un jour tu es une belle femme de soixante-quinze ans, dans la fleur de l’âge, prête à tester ta nouvelle prothèse de hanche avec tous les veufs du club de bridge, et la seconde d’après… tu dois t’arrêter pour reprendre ton souffle à mi-chemin vers les toilettes.

Je manque de m’étouffer. Ses mains expertes attrapent son café moulu et en versent juste assez dans le filtre. Elle attrape des épices et en ajoute une pincée sans même regarder. En moins de deux secondes, il ne fait plus froid, je peux respirer de nouveau. La pièce est emplie de l’odeur si chaleureuse qui fait la renommée de ma tante.

– Je dois avouer que mes cauchemars sont de pire en pire. Mais je me demande si je ne me focalise pas là-dessus pour rien.

– Ma fille… Je ne sais pas trop ce qui te préoccupe comme ça. Tu sais, tu aimais bien te faufiler partout quand tu étais plus jeune. Un peu comme aujourd’hui, jamais là où on t’attendait. Je pense sincèrement que tu as fait une petite crise de somnambulisme. Plus de peur que de mal. Mais si tu tiens vraiment à en savoir plus, demande à Kaï.

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