Nicolas Bouvier - Biographie by Francois Laut

Nicolas Bouvier - Biographie by Francois Laut

Auteur:Francois Laut [Laut, Francois]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Rendre justice au cadeau du monde

Au début, Bouvier écrit avec facilité parce qu’il ne s’attaque qu’à des parties du voyage. Il avait publié dans le Journal de Genève, fin 1957, outre le récit de son séjour afghan, les souvenirs de son marchand de bois à Tabriz. L’ambassade d’Iran a protesté : on ne fume plus d’opium dans le pays et les Kurdes sont les plus soumis des sujets. Parfait : c’est qu’il avait visé juste.

Mais ensuite ? Comment retrouver dans l’écriture la mobilité du voyage ? C’était le pari de Pascal pour chaque journée, au sens qu’il fallait prendre le risque que la journée soit sienne ou ne soit pas, prendre le risque de ne rencontrer personne, de tomber sur un lieu « omineux » à fuir le plus vite possible pour se donner la chance de tomber sur un autre, un paysage admirable, l’absolu d’un visage, sources de bonheur fulgurant. C’était ça le voyage, ce cadeau du monde. Comment le rendre, c’est-à-dire l’exprimer ? Mais « rembourse-t-on une explosion, un coup de cymbale » ? Il faut retourner dans les souvenirs : au mieux on revient dedans, jamais pendant. Ou bien les souvenirs pourrissent d’eux-mêmes, ils sont comme démagnétisés ou séchés sur pied. Alors c’est le présent qui est atteint : léthargie, angoisse, tentation de la folie. Que de pages écrites, dans les cahiers de Nicolas Bouvier, sur l’impuissance à écrire des pages ! Le sentiment d’exister se dilue dans cette paralysie. L’alcool n’y fait rien. L’agitation parfois succède à la stupeur ; la haine se retourne contre soi.

Passivité souffrante. La tendresse est perdue et Éliane qui était gaie, s’attriste. Est-ce le manque d’ambition ? Si l’on ne revoit plus rien, alors inventer ! La beauté ne se remémore pas mais s’invente ; le bonheur ne se revit pas mais se fabrique minute par minute. Mais quelle utilité d’ajouter des mots aux choses ? Extraits : « Je me couche heureux, je me réveille chaque matin de plus en plus désespéré… Comment justifier cette immobilité, ce silence, cette affectation ? Il y a bien affectation puisque, alors même qu’on est incapable de travail, on ne cesse d’y prétendre. L’introversion ? Mais la pauvreté de ce qu’elle vous livre ! J’en ai soupé de moi et de mes maigres ressources – c’est ici que s’insère la séduction de la folie, elle vous console, elle vous distrait, elle vous occupe… Elle accorde par ses bouleversements une éphémère sensation de renouveau… Horrible indifférence à tout. Éliane guère mieux en point – il faut dire que le spectacle que je lui offre n’a rien de bien tonique. Peut-être qu’écrire tout cela c’est déjà s’en libérer un peu… Mon Dieu que je me trouve loin de la vie que j’imagine quand je me couche, voyant autour de moi ces livres, cette chambre, cette chance. Et avec ça cette insatisfaction, cette angoisse perpétuelle – aujourd’hui, sérieusement songé à me trancher un doigt, escomptant que le choc me sortirait de ce marasme… Sortir de cette prostration



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