morgue pleine by Manchette

morgue pleine by Manchette

Auteur:Manchette [Manchette]
La langue: fra
Format: epub
Tags: policier
Publié: 2012-09-24T20:25:03+00:00


14

Quand Pépé-Ruger a rouvert la porte, je n’étais pas encore remis. C’est contagieux, la dinguerie. Je faisais des échafaudages dans ma tête : Haymann était-il un agent israélien ? Est-ce qu’en fin de compte, ce n’était pas effectivement Memphis Charles qu’on voulait descendre, l’autre soir ? Les échafaudages ne manquaient pas de se casser la gueule dans ma tête, mais je recommençais à les bâtir. Par ailleurs, je rêvais d’un steak frites. Et ça se mélangeait avec les échafaudages. La sauce béarnaise coulait sur le visage des Palestiniens. Dans ma tête, s’entend. Dans ma tête.

— Vous venez avec nous, a déclaré Pépé-Ruger.

J’ai demandé où. Il a secoué la tête en souriant.

— Une autre entrevue avec l’homme qui pleure ? j’ai fait.

Il a haussé les épaules. J’ai pris Memphis Charles par le bras. Ça m’a fait plaisir de la toucher. Elle tressaillait nerveusement.

— Ils vont nous enterrer dans le jardin, a-t-elle énoncé.

— Taisez-vous, j’ai dit. Vous m’empêchez de réfléchir.

L’automatique de Pépé-Ruger a pivoté tandis que nous sortions. Le copain, l’homme au Mauser, nous attendait sur le palier. Si j’avais vraiment pensé qu’ils allaient nous buter, j’aurais fait une folie à ce moment-là. Mais je crois que je n’étais devenu fou que jusqu’à un certain point. J’ai descendu l’escalier avec discipline, sans cesser de tenir la petite par le bras. Les flingueurs descendaient derrière nous.

L’escalier aboutissait à un bref couloir. À un bout, une porte opaque (porte de derrière, ai-je pensé) ; à l’autre bout, porte d’entrée aux vitres dépolies. Le long du vestibule, deux portes latérales fermées. On nous a poussés vers la porte d’entrée, et je ne sais pas comment les choses auraient tourné si je les avais laissé aller. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai entendu une plainte animale dans cette espèce de vestibule, comme le cri d’un lapin mal tué. Cela venait d’une des deux portes fermées, et nous passions à sa hauteur. Je n’ai pas réfléchi. J’ai ouvert.

La pièce était sans fenêtres. Elle était éclairée par une ampoule sous grillage, au plafond. C’était un atelier, avec des canalisations apparentes. Les deux barbus étaient attachés aux canalisations et ils étaient blancs comme des linges. L’Arabe, lui, était attaché sur l’établi. Il avait une main dans un étau, et c’était lui qui geignait comme un lapin mal tué. Ses doigts étaient rouges et noirs.

J’avais lâché Memphis Charles. Je me suis retourné dans l’encadrement de la porte. Pépé-Ruger avait empoigné la môme et reculait en la serrant contre lui pour l’immobiliser. Son équipier était en train de ressortir le joli Mauser de sa poche. J’avais la moitié du corps à l’intérieur de l’atelier, et un râtelier d’outils, contre le mur de la pièce, se trouvait dans mon champ de vision sur la droite. Je n’ai pas eu conscience de ce que je faisais parce que mon bras a travaillé plus vite que ma pensée. Tout ce que j’ai vu, c’est mon poing qui abattait un marteau sur le poignet de l’homme au Mauser.

Je lui ai cassé l’avant-bras. Il a



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