La Croix des Assassins by Éric Giacometti; Jacques Ravenne

Auteur:Éric Giacometti; Jacques Ravenne
La langue: fr
Format: mobi
Tags: Thriller
ISBN: 9782266185448
Éditeur: Pocket/Thriller
Publié: 2011-03-23T23:00:00+00:00

67

Saint-Jean-d’Acre

Citadelle des Templiers

19 mai 1291

Un buisson de chandelles illuminait la crypte. D’Aynac fut le premier à apercevoir cette guirlande funèbre qui entourait le tombeau de Guillaume de Beaujeu. Taillé dans du granit noir, le catafalque de pierre scintillait. Molay s’agenouilla et tomba en prière. Du haut de l’escalier parvenait la rumeur sourde de la bataille. Roger Flor secoua le Templier prosterné devant la dernière demeure du Grand Maître.

— Prier ne sert plus à rien ! Relève-toi et rejoins ton compagnon à l’angle du tombeau.

Molay obéit. Le Catalan défit un rouleau de cuir qui contenait un burin et un maillet. Guy les reconnut aussitôt. Les outils abandonnés dans la cellule de Flor.

— Qu’est-ce que tu attends ? Ramasse-les.

Guy se précipita. Le contact glacé du burin le saisit. L’impression d’une main froide qui venait le happer. Face au tombeau, il hésitait à avancer.

— Là ! Frappe là !

Du doigt, Roger Flor désignait l’interstice entre les parois du catafalque et la lourde dalle qui le fermait.

D’Aynac s’exécuta aussitôt. À chaque coup qui entamait la pierre, il sentait sa peur diminuer. Il était en train de violer une sépulture et cette profanation lui procurait une sensation imprévue de puissance, presque de jouissance.

Les brisures, peu à peu, jonchaient le sol. Flor attrapa un long porte-chandelles dont il martela le pied. Seul Jacques de Molay restait inactif. Il contemplait la scène, une boule en travers de la gorge. Tous ses principes, toutes ses croyances volaient en éclats en même temps que la tombe de Guillaume de Beaujeu.

Soudain une odeur grise pénétra ses narines. Il suffoqua et se précipita vers l’escalier. Guy avait senti lui aussi ce relent délétère jaillir de l’ouverture qu’il venait de creuser. Les cheveux collés au front, les yeux brillants, il n’en frappait que plus fort, tentant, par la violence de ses coups de burin, d’oublier ce parfum de mort qui se répandait dans la crypte.

— Toi, redescends ! (La voix ferme du Catalan résonna sous la voûte.) On a besoin de tes muscles.

À pas lents, le visage défait, Molay vint prendre place auprès de son compagnon. Le trou dans la tombe était suffisant pour y glisser la lourde tige du porte-chandelles et faire levier.

Aidé de ses deux frères, Roger Flor appuya de toutes ses forces sur le manche de bronze qui gémit, ploya et brusquement brisa la dalle dans un fracas de fin du monde.

— Prenez-le par les épaules et les pieds. Vous en avez l’habitude, non ?

D’Aynac s’avança, mais Molay le retint par la manche.

— Ça n’a pas de sens ! La citadelle est en train de tomber ! Pourquoi ?

— Pour mettre ce corps à l’abri. De la même manière que les… (Flor ne prononça pas le dernier mot, mais tapota de la main le sac renflé qu’il portait attaché à sa ceinture.) Nous ne pouvons pas le laisser aux mains des Sarrasins. Pas après avoir risqué votre vie pour le ramener ici.

Jacques voulut répondre, mais un grondement retentit, gonfla et explosa. La catapulte venait de toucher de plein fouet la chapelle.

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