Moi, Milanollo, fils de Stradivarius by Diwo Jean

Moi, Milanollo, fils de Stradivarius by Diwo Jean

Auteur:Diwo, Jean [Diwo, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman Historique
Éditeur: Flammarion
Publié: 2016-03-21T23:00:00+00:00


Opus 3

À Crémone, quand on posait la chanterelle sur un violon, c’était l’annonce que celui-ci était achevé et que le maître allait le faire sonner pour la première fois. Chez Dragonetti, on ne fabriquait pas de violons, mais le joli mot de chanterelle revenait fréquemment dans la conversation. Il est vrai qu’elle cassait souvent, cette corde fine comme un cheveu et dont l’aigu, lorsqu’il était appuyé, agaçait l’oreille. M. Dragonetti, qui se serait cru déshonoré de voir l’un de ses violons privé d’une corde, en avait toujours en réserve.

Or Paganini, un jour d’exaltation, en fit sauter trois à la suite au cours de pizzicati étourdissants. Et Dragonetti se trouva fort dépourvu devant ce papillon avide de chanterelles. Il envoya aussitôt l’un de ses gens se réapprovisionner chez Henry Lockey Hill, le luthier londonien, descendant d’une longue lignée vouée à l’art du violon. Je connaissais la maison de Poland Street et ses armoires d’acajou car mon maître m’y avait par deux fois déposé afin de confirmer ma bonne santé. On y traitait les instruments avec respect et un Stradivarius comme le plus important personnage du royaume. Mais aurait-on dans cet antre du beau son, les cordes essentielles à nos exploits ?

Rolando, le valet espagnol de la maison, rapporta peu après une douzaine de chanterelles avec un mot de Mr. Hill :

« Cher monsieur Dragonetti, vous avez de la chance ! Mon fournisseur italien m’a envoyé hier un lot de chanterelles napolitaines. Je pense que votre hôte illustre monsieur Paganini n’utilise que cette sorte de corde mi. Elle est tellement supérieure. Votre dévoué serviteur. W. E. Hill. »

La chanterelle de Naples ! J’avais souvent entendu mes maîtres successifs vanter son timbre inimitable, mais j’ignorais tout du reste. La conversation qui suivit éclaira ma lanterne.

— Mister Hill est un gentleman ! affirma Paganini. Il sait que nos grands violons ne supportent que cette chanterelle fabriquée dans le sud de l’Italie. J’ai ouï-dire que certains luthiers de Crémone ont jadis essayé de transformer des boyaux frais de mouton en ces fils magiques qui font chanter les voûtes. Ils y ont vite renoncé, laissant aux Napolitains le soin de procéder, du vidage à l’apprêtage, aux onze opérations nécessaires.

— Je ne savais pas tout cela, répondit Dragonetti. Et pourquoi les chanterelles de Naples sont-elles irremplaçables ? Existe-t-il un secret ? Les fumées du Vésuve peut-être ?

Paganini éclata de rire :

— Non, le Vésuve n’y est pour rien. La gourmandise italienne plus sûrement. Figurez-vous que les habitants de la région n’apprécient la chair du mouton qu’à son plus jeune âge, ce qui oblige les éleveurs à tuer les agneaux dans leur première année, époque où leurs boyaux ont encore un petit diamètre et se révèlent, par conséquent, les plus aptes à devenir des chanterelles de qualité. Je pense que si les Anglais n’attendaient pas que leurs moutons sentent si horriblement le suint pour les manger, ils pourraient aussi bien fabriquer des chanterelles !

Tout en parlant, Paganini avait remplacé la corde cassée. Ses longs doigts agiles avaient noué



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