L'Oiseau captif (Stéphane Marsan) (French Edition) by Jasmin Darznik

L'Oiseau captif (Stéphane Marsan) (French Edition) by Jasmin Darznik

Auteur:Jasmin Darznik [Darznik, Jasmin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
ISBN: 9782378340575
Éditeur: Stéphane Marsan
Publié: 2018-10-16T22:00:00+00:00


*

Ô ciel ! Si un jour je décidais de fuir

cette prison sombre, que pourrais-je dire

devant les yeux de cet enfant en larmes ?

Laissez-moi car je suis un oiseau captif.

Je suis la lampe qui illumine une ruine,

du feu de mon cœur,

si je décidais de l’éteindre,

je détruirais une famille.

« La Captive »4

Deux semaines. Quatorze jours et treize nuits.

Il devait être manifeste, lorsque mon père sortit de la maison, que des choses sérieuses s’étaient dites au cours de ce tête-à-tête, mais ni ma mère ni Sanam ne me pressèrent de questions. Je leur avais dit que j’étais venue à Téhéran parce que j’avais besoin de me reposer, et elles continuaient à penser qu’il s’agissait d’une période de répit, qui me permettrait de retrouver mes forces avant de retourner auprès de mon mari et de mon fils.

Ma mère passait le plus clair de son temps dans sa chambre, et les rares fois où elle vint voir comme j’allais, elle se montra étrangement calme. Elle ne prit pas la peine de se coiffer, de se maquiller ni de porter autre chose qu’une vieille robe d’intérieur ; elle ne manifestait pas le moindre intérêt pour mes projets. Sanam, quant à elle, réagissait de façon moins tempérée. Durant la journée, elle s’asseyait au pied de mon lit, tripotant son chapelet antistress tandis qu’elle récitait des prières muettes. Elle me cuisinait mes plats préférés : d’épais puddings au safran, de la viande mijotée à la sauce grenade, du riz à l’épine-vinette. Le soir, elle faisait bouillir de la rue puis encerclait mon front des vapeurs montant de la casserole afin de chasser le mauvais œil qui avait pris possession de moi. Cette odeur de rue sauvage et crépitante m’avait toujours rendue heureuse, car elle me rassurait et me donnait la sensation d’être aimée ; aujourd’hui, je la remarquais à peine.

La nuit, je rêvais de Kami et m’éveillais avec la sensation de son corps blotti dans mes bras, pour me rendre alors compte que j’étais seule et de retour dans la maison de mon père, en quête de quelque chose qui n’était pas là. Chaque fois que je le quittais, il lui fallait plus de temps au retour pour s’habituer de nouveau à mes bras et que toute trace de peur disparaisse de ses yeux. Combien de temps faudrait-il pour qu’il m’oublie complètement ? Les jours passaient. Le sentiment de perte me tenaillait sans relâche. Parfois, il était si puissant que j’en suffoquais, pensant que j’allais en mourir.

Anxieuse, à bout de nerfs, je bondissais de mon lit et faisais les cent pas. Je retournerais à Ahvaz, me disais-je, je retrouverais mon enfant. Si j’y revenais, j’aurais une vie décente, songeais-je, un mari qui me pardonnerait peut-être ce que d’autres hommes n’auraient jamais passé à leur femme. Parviz n’avait pas divorcé et j’imaginais qu’il accepterait ma décision de revenir dès lors que j’acceptais ses conditions : plus de publications ni de voyages à Téhéran. Le scandale s’estomperait, les journaux et les commérages se saisiraient d’une autre histoire et bientôt la plupart des gens oublieraient mon nom.



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