Les Yeux fardés by Lluis Llach

Les Yeux fardés by Lluis Llach

Auteur:Lluis Llach [Llach, Lluis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Catalogne, Littérature étrangère
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2015-10-06T22:00:00+00:00


3. Parti socialiste unifié de Catalogne.

4. Parti ouvrier d’unification marxiste.

SEIZIÈME ENREGISTREMENT

Nous enterrâmes Joana le 31 mai, par un jour lumineux de printemps, lors d’un adieu commun à la soixantaine de morts de la nuit du 29.

Nous l’avions retrouvée sous un tas de gravats, de solives, de terre, de tuiles… Lorsqu’on retira tous les décombres sous lesquels elle était enfouie, elle n’avait pas l’air blessée. Sa peau, comme de porcelaine, avait de délicats reflets. Elle était magnifique.

Ma Joana était morte et c’est à moi que cela arrivait.

On y était, à présent. La guerre avait bien cessé d’être un simple jeu.

Remei fut tirée, toute cassée et inconsciente, du même tas de gravats, sa fille dans les bras, comme pour la protéger. En vain. Elle respirait à peine et on l’évacua sans beaucoup d’espoirs à l’hôpital de Sant Pau, qui s’appelait alors l’hôpital général de Catalogne. Elle s’en sortit par miracle et in extremis. Je ne suis pas sûr que cela ait été une chance pour elle.

Nous enterrâmes donc Joana en l’absence de ses deux parents, car Silvestre n’arrivait pas et il était impossible de l’attendre. Même si les communications avec le front étaient encore satisfaisantes, tout le monde se dit que la mauvaise nouvelle ne lui était pas parvenue. Veiller la solitude de Joana dans son petit cercueil de pin blanc fut un moment très émouvant. Je ne pus cesser de pleurer.

La seule personne qui vint, d’Avinyonet de Puigventós, fut Herminia, la mère de Remei, une femme grande, robuste, couverte de rides et respirant la santé qui, son mari étant désormais très vieux, faisait tous les travaux des champs, de la maison et tout le reste. Elle resta jour et nuit à l’hôpital, auprès de Remei, avec la ferme intention de la faire monter dans un train rue Figueres et de l’emmener ensuite à Avinyonet, dès que les médecins lui en donneraient l’autorisation. Une fois chez elle, elle se chargerait de la remettre sur pied avec les légumes du jardin et le bon air qui venait du Canigou. Un privilège que les gens de la ville ne pourraient pas humer. Et peut-être qu’avec un peu de chance le vent lui nettoierait la mémoire, mais elle savait parfaitement que cela serait bien plus difficile. Elle parlait avec l’accent bien fermé de l’Empourdan, où régnait la tramontane. Cette femme était un vrai personnage, croyez-moi !

Deux semaines plus tard, les médecins déclarèrent que Remei était hors de danger, et ils donnèrent l’autorisation à Herminia de lui annoncer que Joana n’était plus de ce monde. Mais la pauvre femme se sentit incapable d’annoncer seule la nouvelle. Elle demanda de l’aide à Marí et à Mercè, pensant peut-être que si elle était entourée par les trois femmes, Remei parviendrait mieux à surmonter son chagrin. Ce fut inutile. Exactement comme si une autre bombe venait de lui exploser en plein cœur. Lorsque, au bout de plusieurs heures de pleurs, Remei put à nouveau articuler quelques mots, elle se blottit dans les bras de Mercè :

— Je n’ai pas voulu t’écouter et je suis restée à la maison.



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