Le tournis by Hortense Dufour

Auteur:Hortense Dufour [Dufour, Hortense]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: BERNARD GRASSET PARIS
Publié: 1984-04-03T22:00:00+00:00

Pourquoi les femmes, magnétiquement, l'attiraient-elles toujours? Avec leur insensé besoin de nid, de phallus rassurant, de bras chauds sous la nuque, d'argent, de paroles, de légalisation et d'histoires sans fin ?

– Je sors d'en prendre et, déjà, me voilà nu à nouveau contre un corps...

Et quel corps ! Marie Cocotier était plus longue qu'un fleuve, dure, élastique, quelque peu desséchée aux mollets mais à la manière des grandes danseuses. Son sexe : mangue dans laquelle semblait enfouie une figue rouge au milieu des câbles noirs du pubis. Mais quelle douceur au fond des chairs ! Huileuse de cheveux, molle de bouche, elle jouissait très fort à sons rauques et il l'investissait avec frénésie. Il écrasait ses hanches, écartait ses genoux, mordait ses épaules, labourait ses seins, fouillait tous ses trous, rachetait dans la chair la silhouette humiliée qui courait tout à l'heure sous la pluie, encerclée par un carcan d'escargots.

– Fumier d'homme, haletait Marie avec jouissance, et en serrant son sexe si fort qu'il éjacula, une surprise, un foudroiement qui le laissa dans un état particulier : prêt à partir, prêt à rester, heureux, somme toute, brûlé mais heureux.

Le prénom de Josée, routine voluptueuse, ne monta même pas à ses lèvres quand Marie le fit jouir comme on attrape le taureau par surprise pour mieux le jeter à terre.

Elle était géniale, cette femelle-là ! Moite, nue, clope et chanson créole à la bouche, elle remplit deux grands verres de rhum.

– Ne te crois pas obligé de dire seulement ton nom, dit-elle. Ta queue est belle. Tes yeux, de mer. Ta bouche, de sel. Ton cœur, très fort sous ta peau. Ne te crois pas obligé de m'en dire plus... Tu risques de tout gâcher. Dès qu'ils parlent, les hommes gâchent tout.

Elle disparut derrière un rideau de gros tulle et la douche s'ébranla.

– Tout le reste, je connais, dit-elle, nuque en arrière sous le pommeau qui coulait mal, avec des tressautements de tuyauterie engorgée, tout le reste c'est « fumiers d'hommes ». Basta.

Elle enfila un short à lacets, un bustier noir, des mules cloutées d'or.

– Je t'en ai laissé un peu, dit-elle en désignant le filet d'eau qui coulait toujours. Ici l'eau est rare. Aussi rare que l'amour. Profites-en.

Assise à sa coiffeuse, elle continuait de chanter, occupée à son maquillage, totalement oublieuse de Santiagon.

Il s'escrimait sous la douche, l'eau était tiède, douceâtre, semblait bloquée dans le pommeau, revenait d'un seul coup, charriant une blatte ou un cafard mort.

– Surtout ne te savonne pas ! criait Marie, la lèvre en avant sous le pinceau chargé de pâte groseille.

– Tu ne te savonnes jamais ?

– Je me décape au rhum et au foutre. Mais je suis plus propre que tous les porcs de Français de Moroni, crois-moi.

– Je te crois.

Il s'aperçut qu'il ne savait même pas son prénom.

– Je te crois, Dragée.

– Pourquoi m'appelles-tu Dragée ?

– Parce que tu as un merveilleux petit cul en forme de deux dragées de première communion.

– Andouille, dit-elle. Coprophile.

Elle cracha par terre.

Du rez-de-chaussée montait le piaulement du perroquet, qui s'était perché sur la chaise à bascule d'un vieux militaire qui ronflait.

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