La vue by Raymond Roussel

La vue by Raymond Roussel

Auteur:Raymond Roussel [Roussel, Raymond]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fiction
ISBN: 978-2-8247-1141-6
Éditeur: Bibebook
Publié: 1904-12-14T23:00:00+00:00


Quel que soit l’ordre qu’on donne.Au premier étage

De l’hôtel court un long et somptueux balcon ;

Des gens trouvent qu’il y fait agréable et bon,

Car ils y restent ; toute une famille unie,

Où ne s’immiscent ni trouble ni zizanie,

Est très étroitement groupée et prend le frais ;

Ses membres sont nombreux et se tiennent de près ;

Ils ont tous une vague et même ressemblance

Qui prouve leurs liens et le peu de distance

Les séparant en fait de proche parenté ;

Ils respirent le calme intime et la santé ;

Ils ont cette parfaite et régulière joie

De ceux que le sort ne blesse ni ne rudoie.

Semblant l’âme du groupe et trônant au milieu,

Une femme est assise ; elle sourit un peu,

Se trouvant, sans raison bien définie, heureuse ;

Aucune ride trop précoce ne se creuse

Dans l’ensemble de son visage demeuré

Irréprochable pour n’avoir jamais pleuré ;

Ses jours se sont passés paisibles, sans orages,

Sans crises, sans à-coups et sans terribles pages ;

Elle n’a pas connu les longs déchirements,

Les deuils réitérés ni les revirements

De la fortune ; sans angoisse elle se fie

A son étoile. Son bras gracieux s’appuie

Avec enlacement sur un enfant frisé

Au caractère gai, vif, au regard rusé,

A la mine mobile, éveillée, espiègle ;

Il aime rire et n’est pas fréquemment en règle

Pour ses devoirs, pour ses pensums et ses leçons ;

Il adore les jeux, les tours de polissons ;

Il est assourdissant, incorrigible, diable,

D’une nature trop prompte, peu maniable ;

Au travail il est mou, manque de bon vouloir,

Cherche des faux-fuyants, paresse comme un loir,

Se refuse à trouver de l’intérêt ; l’étude

Lui semble uniquement rébarbative et rude ;

Mais sitôt qu’il s’agit de prouesses, d’ébats,

De bonds, il se met dans d’indicibles états,

Devient le plus ardent de tous. Il a deux frères

Plus grands que lui, qui se disent de grands mystères

Et qui, debout à sa gauche, parlent tout bas ;

L’aîné, délicat, mince, avec des cheveux ras,

Réclame du silence et veut que l’autre écoute

Religieusement quelques mots qu’il ajoute

A sa tirade dont il prolonge la fin ;

Il est précocement intelligent et fin ;

Il sait traduire avec surabondance et verve

Les mille événements ou défauts qu’il observe ;

Il semble heureusement doué, spirituel,

Mais sans vengeance, sans jamais un mot cruel

Dit par derrière ; c’est à peine s’il débute

Dans la vie, et déjà, non sans profit, il scrute

Les tendances, le moi de chaque individu,

Qu’il retrace sans qu’un détail en soit perdu,

Sans qu’il omette ou passe une seule nuance ;

Il a sur l’enfant qui l’écoute l’influence

La plus entière ; il le domine, l’obligeant

A toujours suivre son avis en transigeant ;

Il lui fait accepter ses doctrines, ses vues,

Comme choses d’avance exactes, convenues ;

Il a par ses deux ans de plus un ascendant

Irrévocable ; pour l’autre il est évident

Que son frère aîné sait démêler et voit juste.

Une fillette bien charpentée et robuste,

Se divertissant d’un rien et regardant tout,

Reste plantée avec assurance, debout,

Les bras inertes et droits, derrière la chaise

De la femme qui, bien que sa bouche se taise

Laisse s’épanouir tant de félicité

Sur son visage ; la plus grande qualité

De la fillette est sa radicale franchise ;

Elle ne pose pas ; jamais elle



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