Debout en clair-obscur by Laurette Lévy

Debout en clair-obscur by Laurette Lévy

Auteur:Laurette Lévy
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782894235515
Éditeur: Prise de parole


Béa pleure devant le cahier ouvert. Elle se débat depuis des jours avec l’image de Jacqueline dans son lit d’hôpital, sans pouvoir la chasser. Mais, derrière cette image se profile une question prémonitoire: comment va-t-elle mourir, elle, Béatrice Langlois? De gros sanglots la secouent. Elle ne peut pas finir comme ça. Elle va vivre. Elle leur montrera à tous, elle ne se laissera pas faire, jamais.

Quelques jours plus tôt…

Le monde, le temps en dehors de cette chambre n’existaient plus. Il n’y avait que le souffle de Jacqueline, et Béa qui s’y accrochait désespérément. Quand elle est arrivée, Jacqueline l’a reconnue, a esquissé un sourire mais n’a pu articuler un mot. Elle ne répondait que par clignements de paupière. Stoïque, Béa assistait à l’agonie de Jacqueline, sa première malade du sida.

Assise tout contre le lit d’hôpital, elle lui tenait la main si maigre, si légère qu’elle n’osait la serrer tant elle lui semblait fragile. Dans son visage exsangue aux tempes creusées, aux yeux enfoncés, on ne voyait plus que les os: pommettes, maxillaires, arête du nez. Sa peau d’habitude d’un brun éclatant ne brillait plus, elle avait viré à un marron terne, grisâtre. Sous le drap, à peine la forme du corps. Immobile, silencieuse, Jacqueline n’avait plus de force. Quand la douleur la réveillait, elle geignait alors faiblement, la bouche entrouverte. Béa lui rafraîchissait le front, les lèvres gercées par la fièvre. Il n’y avait rien d’autre à faire. L’infirmière qui passait régulièrement avait expliqué qu’on lui donnait la dose maximum de morphine.

Béatrice a gardé la porte de la chambre ouverte pour que la vie continue d’y entrer. Il était neuf heures. Elle était venue directement après le bureau. Le café pris à la machine de l’étage avait bien agi comme coupe-faim mais, après quelques heures, Béa avait le cœur au bord des lèvres. La fatigue la gagnait. Impossible de la veiller toute la nuit, elle travaillait le lendemain. Quand, enfin, Jacqueline s’est assoupie, Béa est partie.

Elle avait tellement hâte de s’éloigner qu’elle a heurté une colonne de ciment en reculant dans le stationnement de l’hôpital et a imprimé sur son pare-choc une trace de cette soirée. Jacqueline avait été admise à l’hôpital samedi dernier et Béa n’était pas venue la voir avant ce soir. Elle ne s’attendait pas à ce que ça aille si vite. Jacqueline était si jeune, à peine la trentaine.

Il fallait prévenir Francine au plus tôt. Béa lui laissa un bref message: « Il n’y a plus beaucoup d’espoir. C’est une question de jours maintenant. Je vous rappellerai pour vous tenir au courant. » Béa est retournée à l’hôpital le lendemain et a trouvé au chevet de Jacqueline, désormais à peine consciente, un couple également originaire de Kinshasa. Béa n’a pas compris s’il s’agissait d’amis ou de famille éloignée. Ils lui ont expliqué qu’ils allaient, désormais, s’occuper de tout. Béa a été surprise mais, après tout, que savait-elle de la vie de Jacqueline? Pas grand-chose. Avait-elle été superficielle, distante, Jacqueline si secrète?

Elle n’est pas retournée à l’hôpital, se sentant désormais de trop.



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