Barrage Sur Le Nil by Christian Jacq

Auteur:Christian Jacq [Jacq, Christian]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782266069359
Google: xFa4GwAACAAJ
Éditeur: Laffont
Publié: 1994-01-01T23:00:00+00:00

35

Deux ou trois fois par jour, pendant des périodes de plus en plus longues, la douleur devenait insupportable ; Koubi était obligé de s’allonger, le regard braqué sur la grande pyramide de Kheops, et d’attendre que la souffrance s’estompe. Un mal incurable, qui avait tué son père et l’emporterait bientôt ; dans sa quatre-vingt-septième année, nul besoin de consulter un médecin pour savoir qu’il lui restait moins d’un an à vivre. Les crises iraient en se rapprochant et en s’accentuant.

Koubi décida de faire son métier pendant deux jours encore, puis de se retirer dans son jardin secret, connu de lui seul. Faire son métier… Il ne consistait plus qu’à méditer, au pied du géant de pierre dont le sommet touchait le ciel et se perdait dans la lumière de l’été. Depuis le début des attentats terroristes, les touristes désertaient l’Égypte ; le carnage de « La Vallée du Nil » avait fait l’objet de reportages télévisés dans le monde entier, semant la panique chez les candidats au voyage.

Naguère, des hordes de visiteurs prenaient d’assaut la grande pyramide et se bousculaient dans ses couloirs ; chameliers, vendeurs de faux scarabées, loueurs de chevaux se précipitaient sur eux, au moment où ils descendaient des cars climatisés, entassés sur un parking trop petit où régnait une agitation permanente.

Aujourd’hui, le vide et le silence ; même le « son et lumière » avait été interrompu. Seules des rondes de police troublaient le calme du plateau de Gizeh, écrasé, de chaleur.

Bien que la désaffection des touristes le réduisît à la misère, Koubi goûtait la paix ressuscitée. Plus de cris, plus de cavalcades, plus de bruits de moteur… Le site retrouvait sa majesté.

Un Occidental venait vers lui.

Une allure de prince, le visage buriné, le front large : cet homme-là n’était pas un touriste ; il avait un pas souple et précis, habitué aux pièges d’un sol inégal. Ami ou ennemi ?

— La miséricorde d’Allah soit sur vous, dit le vieillard.

— Je suis à la recherche d’un guide nommé Koubi.

— Vous l’avez trouvé.

— Mon nom est Mark Walker.

— Vivez-vous ici depuis longtemps ?

— Je suis né en Égypte. Les autres guides m’ont parlé de votre fabuleux exploit : l’ascension et la descente de la grande pyramide en sept minutes !

— C’est un peu excessif, mais la légende repose sur un fond de vérité. À mon âge, je grimpe encore, malgré l’interdiction officielle. Il faut bien connaître le chemin, guetter l’heure idéale et s’entendre avec la police touristique.

— J’aimerais que nous parlions de Naguib Ghali.

Le vieillard tâta les poils blancs d’une barbe mal rasée.

— L’un de vos amis ?

— L’un des meilleurs amis ; au Caire, lorsqu’il était disponible, je n’avais pas d’autre chauffeur de taxi. Sa famille a quitté l’Égypte, Naguib a disparu. Je dois le retrouver ; sinon, il mourra.

— Si nous grimpions ? Là-haut, c’est si beau !

Pieds nus, le vieillard fit preuve d’une extraordinaire dextérité. Il choisit une arête et emprunta le chemin le moins épuisant, passant d’un bloc à l’autre sans hésitation ; Mark se contenta de mettre ses pas dans ceux du guide.

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