Les Faits by Roth Philip

Les Faits by Roth Philip

Auteur:Roth, Philip [Roth, Philip]
La langue: fra
Format: epub
Tags: R
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


La famille au complet

Je ne pense toujours pas m’être innocemment trouvé si étonné que je le fus, à vingt-six ans, d’être confronté à l’hostilité publique la plus résolue, non de la part de Gentils du haut ou du bas de l’échelle sociale, mais de Juifs des classes moyennes et de l’establishment, et d’un certain nombre d’éminents rabbins, qui m’accusèrent d’être antisémite et de me haïr moi-même. Je n’avais pas encore envisagé la question comme inhérente au combat pour l’écriture, et pourtant elle devait y devenir essentielle.

Tout intellectuellement subtil que je fusse, la « haine de soi » était encore à mes yeux une idée neuve ; si le phénomène s’était jamais produit à l’intérieur de mon monde, je ne l’avais sûrement jamais perçu comme un problème. À Newark, je n’avais jamais connu personne dont la conduite eût eu pour clé la haine de soi, et le chapitre bucknellien de Sigma Alpha Mu, quels qu’en fussent les défauts, n’avait jamais semblé souffrir de son identité propre ni paru vraiment s’excuser d’être ce qu’il était. Quand Moe Finkelstein, un des deux joueurs de football universitaire de la confrérie des Sammies, entrait dans la partie pour défendre les couleurs de Bucknell, ses camarades faisaient invariablement retentir un cri pour signifier la fierté qu’ils avaient d’appartenir au groupe, démonstration de sentiment qui eût conduit un Juif porté à la haine de soi à des paroxysmes de honte. En fait, ce qu’il y avait de plus admirable chez les Sammies était la simplicité avec laquelle ils s’intégraient à un environnement non juif sans renoncer à leur différence ni la souligner agressivement. Leur attitude me paraissait déjà être une réponse élégante à une situation sociale qui ne suscitait pas le meilleur chez les gens, particulièrement dans cette époque conformiste.

Et, depuis le jour, pratiquement, où j’arrivai à Hyde Park, étudiant de troisième cycle, et où je louai une petite chambre à l’International House, l’université de Chicago m’a semblé être une extension utopique, extrêmement évoluée, du monde juif de mes origines, comme si la solidarité et l’intensité affective de mon ancienne vie avaient reçu l’apport d’un appétit vital pour le divertissement et l’expérimentation intellectuels. Quand je débutai mon troisième cycle en septembre 1954, l’université me paraissait gorgée de Juifs indiscutablement juifs et infiniment moins embarrassés ou incertains d’eux-mêmes, en vérité, que les catholiques irlandais du Minnesota et que les baptistes du Kansas : c’étaient des Juifs entièrement sécularisés, mais qui étaient fort peu contrariés par un pedigree d’où ils semblaient tirer leur franche propension à la dispute, leur excitabilité, et une prédisposition à l’ironie satirique dont je reconnaissais immédiatement la saveur : l’ami de notre famille Mickey Pasteelnik, roi de la pomme de Newark, s’il avait bénéficié d’une éducation littéraire, aurait sûrement parlé de The Wings of the Dove[38] en des termes très semblables à ceux qu’utilisait mon bouillant camarade de Brooklyn, Arthur Geffin. Ted Solotaroff – avec qui j’ai profitablement discuté pendant des années après mon retour de l’armée en 1956, et mon inscription au programme de



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